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♖ L'Amicale Laïque - L'amicale laïque selon Yvette Roché



Lorsque je suis arrivée au Revest en 1953, le village vivait rassemblé autour de l'école. C'était elle qui l'animait. Pour mieux comprendre cette époque, il faut savoir que les voitures étaient encore rares dans le village et que la télévision n'y avait pas fait son apparition, comme dans toute la région, d'ailleurs.

 

Je me souviens d'une fête qu'avait donnée M. Aubert, directeur de l'école des garçons, avec le groupe artistique qu'il avait fondé sous l'égide de l'Amicale laïque. Il regroupait tout ce que Le Revest pouvait compter de valeurs sur le plan artistique. C'était une belle entreprise que j'ai malheureusement à peine connue, et d'autres que moi seront mieux placés pour en parler. M. Aubert a quitté Le Revest un an ou deux après mon arrivée, et ni ses successeurs ni moi-même, n'avions les qualités requises pour continuer d'animer le groupe artistique, ce qui assurément, fut fort regrettable pour le village.

 

Fête de l'Amicale laïque en 1958

 

Mais les Amicales laïques avaient plus d'une corde à leur arc et celle du Revest a continué ses activités sous d'autres formes, peut-être moins spectaculaires, cependant toujours bénéfiques à la vie du village.


Des années durant, tous les samedis, à la salle du château de M. Laure, elle assurait une séance de cinéma. Ah ! ce n'était pas le Gaumont-Palace, bien sûr. Ça se passait en famille. Le regretté M. Brochen en était l'opérateur bénévole. Le samedi soir, M. Moretti apportait les films loués à la Ligue de l'Enseignement et mon mari les retournait le lundi matin, avant d'aller au travail. Une heure avant la séance, il allait aussi allumer le poêle à bois, l'hiver, et ensuite, pendant le repas, l'herbe aux dents, il partait en courant, deux ou trois fois, pour recharger le poêle vorace, vite, vite ! Car il fallait être prêt à l'heure. On payait de sa personne, et chacun y trouvait son compte. Que de beaux films nous y avons vus ! Des comme ça, on n'en fait plus ! Et je le dis sérieusement, tout en ayant l'air de plaisanter.


Plus tard, lorsque la télévision a fait son apparition, bien timide au début, rares étaient ceux qui en faisaient l'acquisition. Avec la coopérative scolaire et l'aide de la Ligue de l'Enseignement, nous avons acheté pour l'école, un des premiers téléviseurs du Revest. Quel progrès cela représentait ! Et ce nouveau plaisir, ce merveilleux instrument d'ouverture sur le monde que représentait la télévision, l'école a voulu le partager avec ses aînés, les parents, tout le village. Alors, tous les soirs, nous faisions le télé-club, à partir de vingt heures. M. Graziani nous avait fait cadeau d'une table haute, afin que l'écran soit visible par tous. Avec l'Amicale laïque, nous avions acheté un radiateur à gaz (on se modernisait) que mon mari allait éclairer avant l'arrivée des téléspectateurs, quand il faisait froid. Tout se passait toujours en famille, grâce au dévouement de chacun.


Nous faisions salle comble, presque tous les soirs. La télévision, c'était un évènement et quel évènement ! j'ai parlé de révolution, je crois que c'en était une. A ses débuts, elle n'avait qu'une chaîne en noir et blanc, mais l'image était quand même très belle et les émissions aussi. Je me souviens du soir où l'on a joué Carmen : il aurait fallu agrandir la salle.

Mais elle a donné bien du fil à retordre à mon mari, cette télévision. La salle était petite (c'était l'ancienne cantine, entre les deux cours), et puis, ils étaient souvent chahuteurs, aussi n'y admettait-on pas les enfants non accompagnés. L'hiver, pas de problème. Mais les soirs d'été, quand on "prenait le frais" sous les platanes, les grands garçons, ceux de douze à quatorze ans, se vengeaient en chahutant dans la cour. Et quand ça devenait un peu trop gênant, mon mari - toujours lui - sortait pour tenter de rétablir l'ordre. Ça n'était pas souvent bien difficile, car s'ils étaient diables, ils n'étaient pas méchants, et nos galopins se sauvaient à toutes jambes.


Or, un soir, l'un d'eux (il se reconnaîtra sans doute) eut la fâcheuse idée qu'il avait crue bonne - ce sont des choses qui arrivent à tout le monde - de monter se cacher sur le plafond du préau, dans la cour des garçons. Seulement voilà, ce n'était qu'un plafond léger, tout léger, comme on les faisait autrefois dans les greniers, avec des cannisses enduites de plâtre par dessous (pour tromper l'ennemi) ...  De toute évidence, ce n'était pas fait pour y marcher dessus, et ce qui devait arriver, arriva. La bande de gamins envolée, mon mari entendit un craquement bizarre, du côté du préau. Et dans l'obscurité claire de nos nuits d'été, il vit d'abord deux pieds, puis deux jambes, descendant lentement sous le préau, retenues par les cannisses qui avaient cédé sous le poids, mais qui, flexibles, accompagnaient l'enfant dans sa chute, tout en douceur.


Je crois qu'ils se sont regardés, aussi ahuris l'un que l'autre, l'un n'ayant pas réalisé ce qui venait de lui arriver; l'autre encore abasourdi par ce spectacle, pour le moins inattendu.


Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à l'Amicale laïque. Jeunes ou vieux, qui ne se souvient encore des excursions faites ensemble ? Celles des Petits et celles des Grands. Au fil des années, elles nous ont fait découvrir les beautés de notre Provence, proche ou lointaine. Étienne d'Orves, Évenos, Bendor, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, Gourdon, les Gorges du Loup, Monaco, San Remo, Arles et la Camargue, Isle-sur-Sorgue et la Fontaine-de-Vaucluse, Aigues-Mortes et les Saintes-Maries-de-la-mer...  Autant d'heureux souvenirs qui jalonnent notre mémoire.

 

École Jules Ferry - sortie à Marseille en 1957

 

Sans oublier un bal masqué, au château, qui fut une réussite. Certainement beaucoup de Revestois, en gardent encore aujourd'hui un souvenir attendri en évoquant leurs déguisements et leurs jeunes années.


Il y avait aussi, mais toutes les semaines cette fois, la bibliothèque pour adultes que j'assurais après la classe du soir. Je pourrais encore dire aujourd'hui, les livres que chacun préférait. Cela représentait pour moi un moment de détente et me procurait l'occasion de bavardages agréables avec les mamans, agréables et utiles souvent.

C'était un lien supplémentaire entre la famille et l'école, le village et l'école.


Texte manuscrit d'Yvette Roché pour l'exposition de 1988 sur les photos d'école au Revest.
Source : bulletin n°8 de 1988 de la Société des Amis du Vieux Revest et du Val d'Ardène


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