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📖 Le Revest de P. Trofimoff - Les Moulins de la Vallée d’Ardène




Promeneurs, touristes,  curieux  qui   vous  enfoncez  dans  la   reposante vallée de « Dardennes », jetez un regard sur ces solides constructions qui, à intervalles réguliers, jalonnent la route que vous suivez. Ce  sont «  les moulins   ». Tous sont placés  judicieusement près d'une chute naturelle ou aménagée. Tous sont posés contre ce « méat  » ou «  béal de Dardennes » qui conduisait, depuis le Ragas et la Foux, l'eau nécessaire à leur fonctionnement. C'était  hier... Aujourd'hui, ces  moulins se  reposent...  Le béal est en partie asséché.

Dès que vous passez l'usine Saint-Antoine, avant l'ancien octroi, encore quelques mètres, et le premier moulin était là, à la hauteur de la naissance de la vieille roule, sur la gauche. Le premier moulin n'est plus. Quelques marches inscrites dans la pierre de ce qui était le « méat », et des ruines. Un violent incendie eut raison de lui et des marchandises qu'une maison de fournitures pour la Marine y avait entreposées... c'était en 1910.

Nous parlons des moulins à farine,  les  plus  nombreux.

Le deuxième moulin était en contrebas de la vieille route, à hauteur du quartier « Cigalon  », presque en face du «  Bar du Bon Coin ».

Ne cherchez plus le troisième moulin, la guerre est passée par là. Face à la Poudrière (Établissement de Saint-Pierre), un pont y conduisait. Le pont seul enjambe encore la rivière, mais le moulin a été détruit par l'explosion, en août  1944, d'une alvéole chargée de  poudre.

Le quatrième moulin est encore un peu plus haut, à droite ; sa belle façade rose s'élève, majestueuse et bien assise. Il servit de poste pour le réglage du tir sur l'établissement militaire que nous venons de dépasser.

La chapelle de Saint-Pierre-ès-Liens passée, nous empruntons le boyau qui rejoint la route départementale et au carrefour nous entrons sur la terrasse du cinquième moulin. On le désigne généralement par le nom de son actuel propriétaire, M. Quadropani.

Le sixième moulin se cache derrière les petites maisons, à gauche avant le pont ; d'abord moulin à farine, il fut, par la suite, transformé en moulin à huile. Très belle construction de pierre.

Pour rencontrer le septième, il faut traverser le hameau d'Ardène et longer la rivière jusqu'à l’actuelle propriété «  Les Jeannettes ». Cette solide et coquette maison est bien le septième moulin. Il fit partie des nombreuses installations créées dès le XVIIe siècle pour l'exploitation du « martinet à poudre » devenu par la suite « l'Atelier des Forges de Dardennes ». Une très belle pièce voûtée ennoblit cet ensemble. Sur la terrasse, se trouvent des meules coniques très caractéristiques et en parfait état.

C'est ici que beaucoup de Toulonnais et d'étrangers firent connaissance avec l'excellente cuisine de Davin, dit « le Sourd ». Certaines dépendances de cette bâtisse furent, il y a soixante-dix ans, le non moins célèbre « Café-Restaurant du Paridon ».

Quelques pas plus loin, la sobre et racée construction du « huitième ». C'est sur remplacement des premières installations du « Martinet à Foudre » et de la première « Forge » qu'il fut élevé.

Le chemin, encore asphalté, monte ; nous passons devant ce qui fut le neuvième moulin et qui a peut-être fonctionné autrefois, occasionnellement, comme « paroir à drap ». Nous tournons sur la droite ; une haute silhouette encadrée de cyprès, silencieuse, veille : c'est le dixième moulin.

Celui-là même qui fut endommagé par l'explosion (en 1684) du martinet à poudre. Au milieu du XIIIe siècle, il n'avait encore qu'un étage. La charpente de la toiture est un véritable chef-d'œuvre. L'exploitation, des huitième, neuvième et dixième moulins fut, pendant longtemps, assurée par les mêmes meuniers. Divers cachets, au pochoir, dispersés sur  les murs à l'intérieur, en témoignent.

Lorsque le 23 septembre 1793 les troupes du général Carteaux s'emparent des Pomets, le ravitaillement en farine vers Toulon fut compromis. Les eaux furent détournées, le béal détruit. Les cinq moulins à farine, propriété de la ville de Toulon, brusquement s'arrêtèrent. Ceux-ci suffisaient à peine à ravitailler convenablement la population, qui fut consternée.

Les biscuits de la Marine, en réserve dans les magasins de l'Arsenal, furent vendus à la foule. Mais il fallait très rapidement pourvoir à la réfection des moulins. Un détachement militaire partit sur le champ s'emparer des meules et les ramena en ville. Seuls, les quatre premiers moulins furent dégarnis de ces lourdes pièces de pierre ; les deux autres, protégés par les troupes occupant les Pomets, ne purent être approchés. Amenées à Toulon, il fut impossible de faire tourner ces meules. Après de nombreuses études, les eaux de la source Saint-Philippe furent dirigées dans un canal qui, plus proche et mieux surveillé, permit la mise en marche d'un moulin.

Dès la fin du XIXe siècle, les moulins furent à l'origine des Habitations à Bon Marché. Quelques actionnaires de la « Société des Moulins » préconisèrent et décidèrent cette transformation qui fut très bien accueillie par la population laborieuse et toujours méritante de la vallée.

L’urbanisme moderne se doit de reconnaître les particularités d'antan. Rien ne se fait de « neuf » sans une profonde connaissance de l'évolution du passé.

Pour la Val d'Ardène, comme pour tout l’arrière-pays toulonnais, la construction, la modernisation doivent être élaborées avec prudence et une grande logique. Le tourisme dont on parle tant, attend tout des ensembles naturels. Il faut commencer par protéger et faire en sorte que rien n'abîme ou ne dépareille un paysage superbement classique, dont chaque pierre recèle une image des faits et gestes d'autrefois.


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