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💬 Les Revestois racontent - Suzanne Lantier : l'oliveraie de la Salvatte




[Suzanne Lantier était une adhérente de longue date des Amis du Vieux Revest. Elle a disparu en 2016. Et ses enfants nous ont confié ses écrits sur l'oliveraie de la Salvatte et l'histoire de la famille.  Ce document est l'extrait d'une lettre à son petit fils Julian qui lui avait demandé de raconter son enfance pendant la guerre. Petite fille, Suzanne habitait au Pont-du-Las, mais venait le dimanche au cabanon, qui est devenue sa maison, en-dessous des tennis. En septembre 1939, elle avait 5 ans.]


Septembre 1939 - Nous allions souvent « au cabanon » , là où j’habite désormais et que tu connais bien. En ce temps là il n‘y avait que la vieille maison, on s‘éclairait à la bougie et l‘eau de la citerne devait suffire à nos besoins avec économie. On versait l’eau, puisée au seau, dans le tian, un vaste plat de terre vernissée dans lequel on se lavait les mains, les uns après les autres et le dernier arrivé jouissait d’une eau fort savonneuse. Mon grand-père Henri Schaaff vendangeait ses quelques vignes, allait chasser avec ses amis et on cueillait les délicieuses figues sur ces arbres qui demeurent vivaces et sur lesquels je cueille toujours ces fruits merveilleux. J’adorais, comme mes enfants et petits enfants par la suite, ramasser les pignons des grands pins parasols, excepté celui de la terrasse que tu connais bien .Ce pin a mon âge, planté au jour de ma naissance donc en 1939 il était bien trop jeune pour produire ses fruits. Il est mon frère jumeau et nous nous entendons très bien quand bien même par mistral il envoie ses vagues d‘aiguilles sur la terrasse et nous bombarde de grosses pignes.


Déjà j’aimais cette campagne, ses odeurs, l’espace de liberté qu’elle offrait à mon imagination. Je m’inventais de superbes histoires sous les oliviers et j’appréciais mon grand-père qui me chantait des chansons en provençal, bien que lui même n’en fût point d’origine mais qu’il avait apprises de mon arrière grand-mère, Suzanne dont je porte le prénom en tant que première enfant de la nouvelle génération et qui, née au Revest en 1848, nous a transmis cette terre.


Je me revois mangeant figues et raisins à pleine bouche sur les genoux de cette arrière grand mère ou sur ceux du grand-père.
Dans mes bonheurs d’enfance je demeurais à l’écart des préoccupations agitant les adultes face à des événements politiques d’une importance capitale.

...

12 et 13 juin 1940 - Des avions italiens bombardent le Mourillon et Cuers.

La D.C.A. riposte et des navires français bombardent les forts et les aciéries de Gênes. L’Armée des Alpes est renforcée et les fusilliers marins arrêtent les panzers nazis à Voreppe.(près de Grenoble).

Devant ces événements la famille décide de mettre les enfants à l’abri et nous voici avec les grands-parents au cabanon. Un séjour paradisiaque pour moi. Mon grand-père observait les avions italiens avec ses jumelles de marine, ricanait de l’ignorance des soldats italiens qu’il avait vu de près en 14/18 et me chantait : « Il général Cadorno mangia la bistecca i poveri soldati mangianno la ficca secca e zim boum boum ».

Mais dans les beaux poëlons de terre vernissée il cuisait la pasta asciutta sur les braises de la vieille cheminée. Souvenir d’une vacance merveilleuse, hors temps dans cet espace sauvage, empli de fleurs qui reviennent chaque printemps et que je soigne désormais tels les glaïeuls, la bourrache et la nielle.

Il y avait, dans l’une des chambrettes un poste à galène, hors d’usage je crois, mais j’en tournais les boutons espérant qu’il parlerait comme celui de mon père, dans lequel j’imaginais la présence de petits hommes comme dans un livre que j’avais lu.

...

Octobre 1943 - En Octobre j’ai repris l’école, dans ces classes tristes et sombres mais les automnes en Provence sont assez doux. Nous allions aussi à la campagne avec le tramway dont le terminus était à La Chapelle, après quoi par un raidillon que ma grand-mère Geneviève appelait « lou camin dei aï » on rejoignait la route et puis on descendait vers le cabanon en saluant au passage la source Madame qui coulait après la pluie, dans le virage. Elle a disparu voici longtemps.

 




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