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♒ Les eaux du Revest - Les mines d'eau




Tout voyage est un déplacement dans le temps ...

 

Jardins de Magali
Jardins de Magali à Lauris - Vaucluse

 

Les témoignages de ce passé, pont, oppidum, menhir, aire de battage, oratoire, chapelle, muret, chemin muletier, four à cade, à poix, à chaux... jalonnent nos randonnées; ils accompagnent mentalement notre cheminement.


Et c'est un plaisir pour l'esprit de (re)découvrir à chaque fois ces ouvrages, tous différents car l'époque ignorait la production en série. Ils portent, comme un vieux livre, la magie des choses qui ont vécu, la patine de l'histoire.


Tout déplacement est voyage dans le temps. Et c'est pour cela qu'à coté des relevés topographiques d'IGN, des photos aériennes, nous avons glissé le fonds de carte d'état major et le fonds de cartes de Cassini. Les premières ont été établies entre 1818 (la Restauration) et 1881 ( la 3ème République), les deuxièmes datent du XVIIIéme siècle, de Marie Antoinette...


Mais si la présence de certains ouvrages sur ces cartes permet de cerner leur datation, pour d'autres la trace est souvent absente. Et c'est le cas notamment des mines d'eau, répertoriées parfois sous forme de puits, fontaine ou...source captée.


Le mois dernier au Castellet l'association Alpes de lumière a tenu une conférence sur ce thème.


L'eau chez nous, en Provence, a toujours été un facteur limitant. Dans ce pays de sécheresse - moins de 100 mm de pluie pour les quatre mois d’été - l'eau est à la fois absente et présente. Le lit des rivières est souvent à sec. Et pourtant l'eau coule abondamment aux fontaines des villages, irrigue les cultures, et s’étale en grands lacs de barrages, comme un pied de nez aux cieux azuréens.

 

Mine d'eau de Seillons - Var
Mine d'eau de Seillons - Var

 


La mine d'eau est une technique très ancienne que, sous le nom de rhettara ou qanat, maitrisaient, dès le 1er millénaire avant JC, les civilisations arabes du Moyen Orient ou berbères en Afrique du Nord.


La rhettara est un drain dont la galerie est à la dimension d'un homme; elle va capter l'eau d'une nappe souterraine, profonde de 10 à 20 mètres, et l'achemine vers la zone à irriguer en jouant sur la différence entre la pente du drain (1 %), et celle du terrain (3 à 4 %). On peut ainsi avec 5 à 10 km de galeries amener au niveau du sol une eau captée à 10 ou 20 mètres de profondeur.


La terre de la canalisation est évacuée par des puits creusés tous les 15 mètres ce qui donne à la rhettara l'aspect d'une suite de gigantesques taupinières. La rhettara a généralement un débit continu et régulier.


Mais nul besoin d'aller à Marrakech ou en Iran pour en observer. Cette technique connue des romains est présente, entre autres, à :

  1.  Lauris, en Vaucluse : des mines d'eaux ont été creusées au pied de la falaise, entre une couche de poudingue perméable qui faisait le toit de la galerie artificielle et un plancher imperméable de marnes calcaires. Tout un réseau de canalisations creusées dans la roche assurait stockage et alimentation des bassins pour un débit voisin de 2 m3 /h. Voir les Jardins de Magali.
  2. Riez (Alpes de Haute Provence) : les livrets cadastraux du XVI siècle attestent la présence de plusieurs dizaines de mines d'eau. 75 ont été recensées. Et 3 d'entre elles alimentaient les fontaines du bourg. Les galeries pouvaient avoir 250m de long. Elles alimentaient des citernes de 20 à 50 m3. Plusieurs sont toujours en activité. Voir la doc du Parc du Verdon.
  3. La Chartreuse de la Verne (Maures) : au moins une mine d'eau alimentait la chartreuse. La galerie, fermée par une grille, s'ouvre en retrait du bassin de recollement des eaux en bordure de la piste, à peu de distance de la poterne.

 

Mine d'eau de Seillons - Var
Mine d'eau de Seillons - Var

 


Cette technique ancienne offre l'avantage d'apporter une eau toujours renouvelée, drainée par simple gravité - nul besoin de recourir à des animaux de bâts comme force motrice pour actionner un engin de levage. Son aire de développement concerne tout le basin méditerranéen

Cette eau, fraîche, au débit régulier permet d'irriguer les cultures vivrières et alimenter les fontaines (eau potable...)
Ces galeries creusées au pic par des ouvriers mesuraient en moyenne de 20 à 150m. On pouvait y accéder grâce à des puits verticaux qui perçaient le plafond de poudingue, étaient étayés en pierres sèches et débouchaient à l'air libre. Ces puits étaient notamment utilisés pour l'entretien de la galerie qui naturellement sous l'effet du ruissellement des eaux avait tendance à s'obstruer par glissement et déplacement des marnes.


La mine d'eau est un ouvrage collectif. En avait l'usage qui avait participé à sa construction puis contribuait à son entretien. Ce droit d'usage en Afrique du Nord pouvait être vendu en cas d'impossibilité de contribuer à l'entretien.
En savoir plus.

Mine d'eau de Seillons - Var
Mine d'eau de Seillons - Var


Quand on arrive à Riez et qu'on découvre le bourg et ses colonnes romaines au fond de la vallée à sec, après avoir parcouru le plateau de Valensole desséché comme un coup de trique ou seules les truffes prolifèrent au pied des chênes pubescents... on ne peut que s'interroger : où les hommes, les animaux, les cultures vont ils chercher leurs eaux ? comment les fontaines sont elles alimentées ?...


Le pied des falaises est en fait truffé (le terme s'impose en ces lieux vénérables !) de mines d'eau

.
L'eau étant une ressource vitale, l'homme a toujours essayé de s'en rapprocher et de s'adapter à ses contraintes. C'est pourquoi, à l'échelle du plateau de Valensole, les concentrations de population, le croisement des voies romaines,etc.. se sont effectuées au lieu de plus grande potentialité en eau, d'émergence des sources, les moyens techniques d'alors ne permettant pas un accès facile à l'eau en dehors de cette zone.


Le savoir faire d'une mine d'eau atteste d'une parfaite compréhension de la typologie et de la nature géologique des terrains. Elle résulte d'une observation attentive des sols, dans l'alternance des saisons sèches et pluvieuses, et d'une intelligence des phénomènes qui permet de conclure à l'existence à tel endroit d'une couche invisible qu'il suffirait d'atteindre pour drainer les eaux qu'elle contient. Avec la présence éventuelle de faille à déjouer...


Je me souviens, à ce sujet, d'un professeur d'hydrogéologie qui après avoir mesuré la conductivité de l'électricité dans un sol pour déterminer la présence éventuelle d'eau et sa profondeur, et avoir déterminé l'un et l'autre, avait décidé de creuser une tranchée drainante en contrebas de ce point. Tranchée drainante qui ne connut jamais d'eau car le dénivelé entre le lieu de mesures et la tranchée correspondait à une faille qui bloquait l'écoulement des eaux.... et que notre éminent spécialiste, les yeux rivés sur son écran, n'avait pas "vu"....


De patience, d'intelligence, de réflexion, de déduction, nos ancêtres ne furent pas dépourvus.... Soyons en convaincus !
Bonnes randos !

Source : Avec l'aimable autorisation de RandoVar Lettre d'information N°82


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