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☥ Cultes et religions - La Chartreuse de Montrieux et Le Revest-les-Eaux



Texte de Pierre Trofimoff en 1977

Ce très important chapitre de l'histoire du Revest n'a pu être présenté dans les monographies données jusqu'ici en raison des difficultés rencontrées pour accéder à certains documents.

De plus, comme on va le voir, certains textes méritaient d'être confrontés avec d'autres pièces d'archives, pour recevoir une confirmation certaine.

Il fallait aussi, et ce n'était pas la plus mince des tâches, retrouver les limites exactes du domaine cartusien.

Ces recherches avaient été faites, il fallait les retrouver. Jusqu'ici, seules légende et tradition avaient parlé des Chartreux au Revest. Une seule pièce était offerte  à la curiosité : le blason de la Chartreuse dans l'église paroissiale. Une pièce lisible, la plaquette publiée à la fin du siècle dernier (xixe) par l'Abbé Verlaque : Une journée au Revest (Fréjus, Imprimerie Julien)

 

Le Revest, certaines terres sûrement, avec d'autres à Val d'Ardène ("Ardeau" dans certains textes), avait appartenu aux Chartreux.

L'immense domaine de la Chartreuse de Montrieux jouxtait les limites du Revest, de Toulon et des communes voisines : Évenos, les Solliès etc

On a prétendu que chaque fois Le Revest était cité comme limite, c'était méconnaître la vérité.

D'autres détails compliquaient les recherches. De très nombreux historiens avaient cru voir à Malvallon (Mauvallon) l'existence d'un couvent de Trinitaires. Après trente-cinq ans de recherches dans les différents fonds d'archive, tant communales que provençales, revestoises ou trinitaires, il fallait bien se rendre à l'évidence : jamais les Trinitaires n'avaient eu de couvent à Malvallon, ni avant ni après les modifications des limites communales entre Toulon et Le Revest (1827-1828).

La même erreur, il faut le souligner, avait été commise, mais avec un autre ordre, à Val d'Ardène, où la présence des Chartreux avait été substituée à celle des Templiers.

Le vaste domaine des Chartreux

Mais revenons aux Chartreux et aux limites anciennes de leur très vaste domaine.

C'est aux recherches du Chanoîne Saglietto publiées en 1932-33-34 dans les Archives d'histoire et d'archéologie du diocèse de Fréjus et Toulon que nous devons d'avoir pu cerner avec précision le domaine de la Chartreuse aux abords du Revest.

Dans une carte du cartulaire de Montrieux, ses limites

suivaient une ligne qui, partant de la tête de Morières, commune de Solliès-Toucas, longeait les hauteurs occidentales de Belgentier, traversait le Gapeau à Pachoquin, enveloppait le plateau de Planeselve, pour de là redescendre vers le Gapeau par Baumarand, passait au midi du quartier de Saint-Lazare, englobait le Petit-Agnis, se dirigeait à travers le territoire de Signes vers Pey Chrestian, suivait les crêtes basaltiques de la Coutillade, la Piosine, dans la commune d'Évenos, contournait la cuvette du Broussan, franchissait le col de Garde, en avant du Mont-Caume et rejoignait son point de départ par le Grand Cap

Dans ce vaste territoire, les moines avaient aménagé des chemins pour le transport des récoltes et pouvaient aussi surveiller les diverses cultures que leurs fermiers y pratiquaient. Cet important territoire était le fait de 209 donations ou achats.

Ces achats ou donations ne se firent pas toujours sans difficultés entre les communes qui commençaient à s'organiser et les héritiers des donateurs qui ne voyaient jamais d'un bon oeil ces terres leur échapper.

La première note rencontrée dans un cartulaire de la Chartreuse et qui cite Le Revest, remonte à l'année 1215. Elle traite d'un échange entre Montrieux et Hugues de Solliers et ses frères, des droits que possèdait Aicard, puis Torna jusqu'à Besson et Le Revest. On doit, semble-t-il, compter ces trois localités comme entourant les terres échangées et non les constituant (F° 53 - verso). En échange, la Chartreuse leur cède tout l'affar qu'elle possède sur le territoire de Pourrières.

Puis, c'est 1222 :

L'an de l'incarnation 1222 et le 8 des Kalendes de Mars (22 février), sous le règne de Frédéric, empereur des Romains, toujours Auguste et roi de Sicile, confirmation de W. Anne Foulques, Arcoud et Arsène, frères, du don fait à la maison de Montrieux par Guidon de Soliès qui a été moine du dit monastère, des terres dites de Besson, de Rullacane, de la moitié d'un champ dit du Reveste, pour laquelle ils reconnaissent avoir reçu 40 sous royaux. L'acte passé au lieu dit Pasaraque et confirmé dans le château de Soliès, en présence d'Étienne, Évêque de Toulon, écrit et signé par Guillaume de Valbelle, notaire de Toulon." (F° 60 - verso)

En 1224, le Chapitre général de l'ordre des Chartreux a enterriné et confirmé, par un acte du 10 des Kalendes de juin (21 mai), les donations faites à Montrieux en 1222.

A propos du mot "Besson", dont il a été question, nous signalerons qu'un quartier de Malvallon, il existait une fontaine dite des "3 Brousson ou Besson". En provençal, Brousson veut dire jumeau.

Les activités agricoles et industrielles des Chartreux

Les moines furent non seulement des agriculteurs, mais ils surent très vite exploiter toutes les activités industrielles qui s'offraient à eux en fonction des richesses du pays. Ils créèrent des moulins à huile et à farine, ils créèrent un paroir à drap, une tannerie.

Ils exploiteront des mines de cuivre et, utilisant le combustible du bois, tireront du minerai, des lingots qui, façonnés, leurs permettaient de fabriquer de nombreux ustensiles dont les habitants des villages voisins furent les premiers à se servir. Nous rappellerons qu'au quartier des Bouisses, tous les ustensiles servant aux vendanges furent ceux qu'avaient confectionnés les moines. Ces mines de cuivre étaient situées à Raboeuf, l'Auberte, la Vignasse, Baralet, la Font Martin.

Mais c'est dans la fabrication du verre que les chartreux excellaient. Ils furent les premiers à exploiter les carrières de sable des environs : Bramapan, le plateau d'Agnis, à Bousquet et très certainement à Malvallon, Orves, Tourris. C'est en effet par acte de 1197 que l'évêque Rainier (1188-1214) concède ses droits sur le terroir d'Orves, concession qui fut confirmée en 1254 par l'évêque Benoît d'Alignan et où l'évêque Raimon de Nîmes (1267-1288) en 1285 les autorise à fabriquer du verre.

 

Les moines obtiennent en février 1212 de Geoffroy et Jauffret, vicomtes de Marseille et seigneurs de Toulon, l'exemption des droits présents et futurs pour le blé, le vin, l'huile et autres marchandises qu'ils feraient passer par le port de Toulon (Cartulaire de Montrieux, F° 80 - Davin page 13).

En 1224-1225, il y a donation par Jauffret, seigneur de Toulon, de pâturages et cultures au lieu-dit Le Revest et confirmation de pâturages donnés par Étienne, évêque de Toulon. (Davin - La Chartreuse de Montrieux, page 14)

L'exemption des droits d'octroi et de péage est à nouveau exprimée en novembre 1247 par Rostaing d'Agoult, seigneur de Toulon pour le blé, le vin, l'huile, fromage et laine. qui pourraient être expédiés ou reçus par les moines de Montrieux au port de Toulon. (Cartulaire H - Davin page 14)

 

Le testament de Dame Sibille

Nous en arrivons au testament de Sibille, dernière descendante des seigneurs de Toulon, daté du 14 août 1261. Sibille 

léguait et donnait aux Chartreux de Montrieux 3.000 sols pour acheter des possessions ou telles autres choses que le prieur trouverait bon ; plus le château et la seigneurie du Revest, avec tous les droits qu'elle a ou peut avoir sur ce château et sa seigneurie, exemptant pour toujours les habitants de toutes tailles, quistes ou exactions nouvelles. Les Chartreux, en retour de cette donation, devaient célébrer tous les ans une messe d'anniversaire pour le repos de son âme et servir une rente annuelle de sept livres, monnaie courante, à la mense des chanoines, prêtres, clercs et serviteurs de l'église de Toulon et de trois livres à la mense des frères de la Pénitence de Jésus-Christ (le plus ancien ordre religieux établi à Toulon)

Les Chartreux paraissent être restés en paisible possession du Revest pendant un siècle environ. Mais le 18 avril 1374 un Raymond de Montalban, Raymondus de Monte Albano, s'en empara par la force, comme il est dit sans autre explication dans un document du cartulaire de Montrieux. On possède un bail emphytéotyque à la date de 1388, passé entre magnifique et puissant seigneur du Revest, Raymond de Montalban, seigneur du Revest et Pierre Textoris (Archives départementales du Var, série E, Art.575, actes de Marin, notaire - G. Lambert)  Le prieur de Montrieux et celui des Frères de la pénitence de Jésus-Christ furent exécuteurs testamentaires. Parmi les sept témoins qui signeront, on note deux Chartreux de Montrieux. (Davin pages 14-15)

 

Le testament de Dame Sibille a été considéré par certains comme faux et ceci ne manque pas d'appeler quelques réflexions.

Cet acte a été exécuté, en partie du moins. En effet, si la Chartreuse de Montrieux comme la Grande Chartreuse possèdent dans leurs archives un texte court, en latin, qui signale l'attaque par Raymond de Montalban du Revest, c'est que le terroir du Revest les intéressait. Et si des historiens qualifiés ont écrit qu'au xiiie ou xive siècle, le couvent de Malvallon avait été détruit, c'est probablement lors de cette attaque. Ce texte, nous le rappelons, est le suivant :

Post obitum praedictae Donnae Sibilae Raimondus de Monte Albano, eques, occupavit, praedictum castrum de Revest, 1374 18 aprilis.

Nous confirmerons, pour notre part, avoir vu dans les archives communales de Toulon mention d'une sentence du bailli de Toulon à propos de cette affaire, et maintenant les Chartreux en possession de leurs terres du Revest.

 Comment peut-on dire que ce testament était apocryphe alors que le 15 mars 1412-1413,

la Chartreuse de Montrieux, désirant se libérer à perpétuité de la rente qu'elle devait payer chaque année aux chanoines de l'église de Toulon, à savoir 7 livres pour l'anniversaire de Dame Sibille de Toulon, verse 70 florins d'or à 16 sols au florin. Quittance du Prieur Jean Sarracenus.

(Davin - La Chartreuse de Montrieux - Page 17)

 Il parait étrange que les moines aient accepté l'une des clauses du testament et point l'autre. Il est certain que là aussi des héritiers défavorisés ont dû se défendre et tenter l'impossible pour déposséder les Chartreux de ce qui leur avait été donné.

On retrouvera en 1792 les titres de la Chartreuse et à la cote 31 des archives de Méounes, n°21 à 42, on lit :

2° une donation de Dame Sibille de Trets du château du Revest et du Val d'Ardeau (sic pour Val d'Ardène, note de l'auteur) en 1261 (cote 31)

(Davin opus cité, page 26)

Étrange document qui fut durant six siècles considéré comme vrai ou vraisemblable et faux par des historiens chevronnés mais qui, nous le craignons, n'ont pas eu en main tous les documents nécessaires à la manifestation de la vérité.

Traces de la présence des Chartreux au Revest

Compte tenu de ce que nous savons, tant par les archives que par les souvenirs recueillis auprès des descendants des vieilles familles revestoises, et ils ont bonne mémoire, on peut très nettement situer les points forts de la présence des Chartreux au Revest jusqu'au xviie siècle.

Malvallon, bien sûr, grosse et importante ferme, maison solide, bâtie sur une vaste cave, fraîche, aérée. Un épais mur, bâti sur plusieurs arches, ragardait Faron ; on y faisait le vin des vendanges des quartiers limitrophes : le saint-Sacrement, Costebelle, La plaine de l'Isle (peut-être par allusion à l'une des îles de Lérins ?) etc n'oublions pas qu'il se trouve là, tout près, posé sur un megalithe, un très ancien cadran solaire qui devait donner l'heure aux gens qui travaillaient aux champs, sur les restanques voisines. Un peu plus haut se trouve le célèbre oratoire cylindrique, rare ; une source, un puits, des canalisations souterraines, vestiges d'une organisation facilitant l'exploitation de cultures variées.

 

Le second point indiscutable de la présence catusienne, c'est la Bastide Blanche, l'actuelle propriété de la famille Mouttet, au-dessus du ravin des Capellaniers. De génération en génération, on a répété qu'à Maupas (c'est aussi le nom donné à ce quartier dans les cadastres et le livre terrier) comme à Malvallon, il y avait des moines. On peut avancer sans risquer d'erreur que les Chartreux sont à l'origine de la création de l'Hôpital de la Miséricorde à Chanteroc, propriété Mouttet.

Il s'agit du même établissement dénommé quelquefois Chapellenie Saint-Jacques ou maladrerie ou Lèproserie. Quand on connait l'esprit charitable des Chartreux, les efforts déployés par eux pendant les épidémies, tout permet de le croire.

Il y eut certainement des époques où les moines furent très nombreux ici.

 

Mais les événements de 1578-1579-1580-1581 amenèrent au Revest de très nombreux Chartreux fuyant leur couvent.

Belgentier, Méounes, Montrieux furent le théâtre d'affrontements sévères entre les troupes rivales des guerres de religion. De très nombreux habitants quittèrent leurs maisons, s'en allèrent vers Toulon. Les moines s'éloigneront du couvent.

C'est alors qu'un groupe de gens de Signes, Méounes et Belgentier, parmi lesquels se trouvait la femme Isabelle Florence dite "l'Amour" ou "la Moure", se rendit à la Chartreuse en décembre 1578 et la livra au pillage. Le désastre fut tel et la situation des moines si triste que le chapitre général de 1579 chargea le prieur d'Avignon de s'entendre avec l'évêque de Toulon et les autorités civiles de Hyères pour décider s'il fallait reconstruire la Chartreuse sur son ancien emplacement ou la transférer soit à Toulon soit à Hyères.

En décembre 1581, l'affaire de la translation était si avancée que le R.P. Général donnait pouvoir au Prieur de Montrieux, Dom Étienne de Faye, de s'entendre avec les Dominicains de Toulon pour le choix du lieu de construction de la nouvelle Chartreuse. Mais l'affaire en resta là. Montrieux se releva de ses ruines et les Chartreux qui avaient émigré à Toulon et à la Verne rentreront au couvent.

(La Charteuse de Montrieux - Davin Pages 18-19)

Certains Chartreux furent à Toulon, d'autres au Revest, quelques uns à Dardennes.

C'est ici que se situe une importante et longue période de présence cartusienne au Revest.

Dom Y. Gourdel, archiviste de la Chartreuse de Montrieux (1977) pense que

le prêtre ou le desservant du Revest, voyant dans un village voisin un grand nombre de Charteux venant de Montrieux, ou des nombreux lieux qu'ils occupaient dans leurs possessions multiples et pas mal éparpillées, s'est offert à décharger son charitable confrère d'un certain nombre de Chartreux réfugiés chez lui Dans ce cas, la chose a dû se faire sans bruit, par pure charité entre confrères.

Si nous en croyons la tradition, et l'hypothèse de Dom Gardel est parfaitement valable, les Chartreux furent nombreux à séjourner au Revest. Les uns chez l'habitant, les autres dans différentes fermes ou maisons importantes comme à Dardennes et à la Maladrerie.

On a dit souvent que leur séjour fut long. Mais ils surent se rendre utiles, aidant les hommes aux travaux des champs, apportant leur labeur et leurs connaissances aux cultures, à la vinification, aux travaux des maîtres meuniers d'huile et de farine. Les Revestois furent si attentionnés que les moines ne savaient que faire pour leur être agréables. Ils refirent et réparèrent les futailles et tonneaux, les canaux d'irrigation, les puits etc

La présence involontaire des Chartreux au Revest au xvie siècle fut à l'origine d'une grande et profitable activité agricole et industrielle qui toucha vite tous les environs.

Les moines se mirent alors à chercher la façon dont ils pourraient remercier leurs hôtes de les avoir nourris, hébergés, choyés avec tant de sollicitude et d'affection.

La chapelle Saint-Jacques, au sud de la tour, était bien vieille et presque en ruines et ils décidèrent de construire une église au Revest.

L'abbé Verlaque, ancien et érudit curé du Revest, nous en a dit quelques mots dans Une journée au Revest (Éd. Julian, Fréjus) à la moitié du siècle dernier (xixe). Mais nous avons plus de détails grâce à l'ouvrage de Monsieur C. Ginoux : Notice historique sur les églises des deux cantons de Toulon (Éd. Plon et Nourrit, Paris, 1895-1896)

Monsieur C. Ginoux, tout en précisant que l'église du Revest a été consacrée en 1679, nous dit que les Chartreux en firent une succursale, en témoignage de reconnaissance envers les habitants du Revest.

 

Voilà, très rapidement brossée, une histoire de la présence des Chartreux de Montrieux au Revest et dans les environs. Il y aurait beaucoup à dire sur l'aide et l'influence qu'ils eurent sur la fière et solide population du Revest.

Hélas, les archives sont perdues, dispersées, brûlées. Il faut en retenir que, grâce aux Chartreux, Le Revest avait su prendre conscience de la richesse de son sol, de la vigueur de ses hommes et de ses femmes, et de la qualité des produits de son terroir.

Il ne faut pas oublier qu'après les Ligures, les Romains, ce sont les Chartreux qui ont fait, directement ou non, la renommée des vins de Caume.

 

Bibliographie

  • C. Ginoux : Notice historique sur les églises des deux cantons de Toulon (Éd. Plon et Nourrit, Paris, 1895-1896)
  • E. Davin : La Chartreuse de Montrieux et Toulon- 1940
  • Abbé Verlaque : Une journée au Revest (Éd. Julian, Fréjus)
  • Archives d'histoire et d'archéologie du diocèse de Fréjus et Toulon (Années 1933-1934-1935)
  • Correspondance avec les archivistes de la Grande Chartreuse et de la Chartreuse de Montrieux.

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