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♖ Tourris - Les Olivières - Les Bouisses - Tourris




Source : Charles Aude, Le Revest ou notre village en 1900, publié en 1976. 

 

Il n'est pas possible de parler du Revest Village sans penser aux quartiers périphériques, notamment le hameau de Tourris et ses environs qui faisaient partie intégrante de la commune. Nous allons donc parler de Tourris au siècle dernier, domaine qui appartenait à Monsieur DE GASQUET dans les années 1850-1880. Il comprenait environ 150 habitants répartis en un groupe central autour du château. Les agglomérations des Olivières, des Bouisses et les fermes du Goudron et du Ménage s'ajoutaient à ce groupe. Les CASTELLAN, MEIFFRET CARRET et QUADROPANI formaient les familles importantes.

 

LES OLIVIERES forment un charmant hameau dans la nature merveilleuse qui l'encadre. Sa population occupait environ une douzaine de maisons. Les hommes se procuraient du travail à la carrière de marbre toute proche, aux travaux agricoles, forestiers, aux transports charretiers. Les femmes et les enfants s'occupaient du repas, de la basse-cour et de la culture maraîchère.

 

On se rendait à ce hameau par un chemin communal qui menait aux carrières de Tourris en empruntant la colline des Camps. Toutes les restanques qui entourent ce hameau étaient cultivées, ce qui donnait un apport à la vie de ces braves gens.

 

C'était une vie tranquille, très rurale, quelquefois difficile mais les gens de l'époque s'en accommodaient très bien et vivaient à leur aise, cela suffisait.

 

Le dimanche, c'était la messe à l'église du château de Tourris, les réunions de famille. L'époque de la chasse était très attendue par les hommes.

 

De ce hameau, malheureusement abandonné, il ne reste que les murs des vieilles maisons, et personne ne peut vous donner de vrais renseignements sur la vie calme de ce pays, car tous les vieux qui habitaient là sont aujourd'hui dans un lieu bien plus calme, où leurs voix ne peuvent plus être entendues.

 

Le hameau des BOUISSES est à présent aussi abandonné que celui des OLIVIERES. C'était aussi un endroit merveilleux où se dressaient quelques bastides. Il y avait la de belles productions de céréales. Tout autour, les restanques avaient un maitre incontesté : l'olivier. On y accédait par le chemin communal qui partait de l'auberge de Tourris et passait derrière le château. Il continuait à cette époque jusqu'à Dardennes. Là aussi, il ne reste que des ruines.

 

Mais revenons-en à la vie même du vieux TOURRIS qui était la capitale de ces hameaux. Il y avait une cinquantaine de bâtisses ce qui, nous l'avons dit, représentait environ 150 personnes.

 

Malgré tout le travail imposé à ses habitants par les circonstances et le lieu, Monsieur DE GASQUET ne perdait pas pour autant l'idée de donner un rudiment d'instruction élémentaire à ses ouvriers et fidèles serviteurs. La préparation à la communion solennelle qui se faisait à l'école des Frères Chrétiens de la Valette permettait aux futurs communiants d'acquérir un minimum d'instruction, mais cela était insuffisant. Aussi, on utilisait les connaissances et le savoir du berger du Grand Cap qui réunissait les jeunes garçons dans une salle de la ferme du Ménage. Les jeunes gens se cotisèrent et le berger acheta une grande table avec deux bancs où une douzaine de garçons venait s'asseoir.

 

Le berger leur inculquait les rudiments du calcul et leur apprenait à lire et à écrire, ainsi qu'à rédiger des lettres adressées à leurs parents lointains ou de petites compositions françaises. Il ne négligeait pas pour autant de transmettre à ses jeunes élèves ses connaissances sur l'astronomie et sur l'influence de la lune sur la germination, les plantes et la fécondité des animaux. C'est ainsi, notamment, qu'il leur apprenait l'influence de la lune sur la coupe du bois.

 

A la lune vieille, la coupe des arbres à feuilles persistantes, à la lune nouvelle celle des arbres à feuilles caduques. Cette notion était indispensable pour la coupe du bois destiné aux poteaux de mines. De tout ceci, les jeunes gens en ont emporté un souvenir inoubliable.

 

De quoi vivaient les habitants de Tourris ? En ce qui concerne la nourriture, des éléments propres au pays, à savoir : l'huile d'olive, le vin, le blé, les pommes de terre cultivées essentiellement dans les restanques fertiles et humides des Bouisses. La viande était aussi une production du pays : c'était surtout du mouton et du porc. Chaque famille avait au moins ses trois cochons qu'elle élevait, et à tour de rôle par hameau, les gens en tuaient un le samedi soir et en faisaient des saucisses, caillettes et boudins. Généralement, un ou deux jambons étaient mis en loterie ou en jeu (boule, quadrette), et le ou les vainqueurs se partageaient ce que le maitre de maison avait mis comme enjeu. La mise n'était pas élevée, de l'ordre de 10 sous.

 

Pour les produits manufacturés qu'ils étaient obligés d'acheter, pour compléter leurs éléments alimentaires, il faut penser aux industries du pays. A savoir en premier lieu le goudron et aussi l'huile de cade qui provenait de la distillation du cade et qui donnait un onguent pour être vendu aux industries pharmaceutiques et dentaires. Cette huile de cade est d'ailleurs employée de nos jours pour fabriquer des savons de toilette. Tous les bois non brûlés qui avaient servi à la distillation du cade étaient transformés en charbon ou encore servaient à chauffer les fours de la région de la Touravelle, des Bouisses, où l'on fabriquait de la chaux-vive.

 

Les bois utilisés provenaient aussi de l'épluchage des chênes-verts dont l'écorce, au moment de la sève montante en mars-avril-mai, était détachée du bois pour être vendue ensuite dans les tanneries du Gapeau où elle servait au tannage des peaux.

 

Les chênes-verts ainsi dépouillés de leur "rusque", ce qui est l'équivalent de l'écorce en Provence, donnaient donc la possibilité d'avoir une écorce riche en tanin et permettait de récupérer le bois qui servait l'hiver au chauffage. Le bois résultant de cette opération servait aussi au chauffage des fours de la verrerie, car Monsieur De Gasquet, en vertu des vieux principes que la noblesse avait de faire du métier de verrier un métier réservé aux nobles, avait aussi une fabrique de verre. En effet, un roi de France avait donné ce privilège à la noblesse française pour combattre la concurrence des verres de Brême. La verrerie dont on voit encore les vestiges se trouvait à 1OO mètres à l'ouest de la bascule, celle-ci étant le col d'entrée dans le domaine de Tourris, en venant de la Valette.

 

A ces travaux, il faut ajouter l'extraction des pierres des carrières et du marbre blanc de la grande carrière située au nord des Olivières. Le sable extrait de ces carrières, mélangé à la chaux-vive, permettait de faire le verre. Ce verre servait à la fabrique de bonbonnes et de bouteilles. On employait les jeunes gens comme souffleurs de verre.


A la culture locale, il faut ajouter l'élevage des vers à soie qui étaient essentiellement nourris par les mûriers plantés dans la région et surtout dans la fameuse allée qui conduit du Goudron jusqu'au château et qui fournissaient les rames nécessaires à la nourriture des vers à soie. La quantité de cocons réalisés qui étaient vendus rapportait l'équivalent de deux mois de travail. Bien sûr, ces vers à soie étaient élevés dans de grandes salles, sur des canisses faites avec des roseaux reliés entre eux par du fil de fer mince, posées sur des tréteaux. Au moment où le ver commençait à remuer la tête de droite et de gauche, pour dire qu'il voulait sortir, on lui donnait des rames de bruyère dépourvues de leurs feuilles. Le drame, c'est lorsque les vers à soie montaient et qu'un orage éclatait. La récolte était alors gravement compromise car les vers retombaient, ne remontaient plus et perdaient toute leur soie. Voilà qui devait terriblement attrister les jolies "magnanarelles" !

 

La chasse, dans le coin, était surtout la chasse à la grive, au pigeon ramier, au sanglier et même au lapin. Le produit était directement consommé chez le chasseur ou par le groupe qui s'était réuni pour la battue.

 

Le ravitaillement en eau était assuré par les citernes, mais dans le chemin qui est parallèle à l'allée des mûriers existe un puits que les anciens appelaient le "grand puits" et que l'on n'a jamais vu tarir et c'est là que les moutons, chèvres et chevaux, nombreux dans ce pays, venaient s'abreuver lors d'une pénurie d'eau.

 

Au sud de Tourris, il faut parler du rocher de la Valette Vieille. En effet, elle s'était perchée là pour lutter contre les invasions barbaresques non pas à coups de fusil, mais en faisant rouler des blocs de cailloux du haut vers le bas.

 

Il y avait donc là une falaise très prononcée et elle servait d'abattoir pour les bêtes malades. Quand un cheval, un mulet, un âne... devait être abattu, au lieu de le saigner, on le mettait au bord de la falaise et on le jetait. Cela valait au coin d'être habité par de nombreux corbeaux et corneilles.

 

Entre le château de Tourris et cette Valette Vieille, dont il ne subsiste plus que le porche de l'église à moitié détruit, se trouvait le cimetière du pays, vénéré par tous les gens du coin.

 

Monsieur De Gasquet, pour encourager les habitants, faisait toutes les années, notamment pour la Saint-Jean, de nombreuses fêtes auxquelles se mélangeaient l'élément religieux et la population locale.

 

Pour l'élément religieux, ces fêtes donnaient lieu à des rencontres entre les pénitents blancs, les pénitents gris et les pénitents noirs, venant de la Valette, de Tourris, du Revest et de Solliès-Ville. Un incident amusant se produisit au col de l'oratoire qui domine au nord le Coudon et qui descend par un sentier vers Solliès-Ville.

 

Les pénitents blancs et les pénitents gris se rencontrèrent, se saluèrent avec le Christ que portaient en tête leurs représentants. L'un d'eux brisa le bras du Christ de celui qui venait en face, d'où bagarre générale à laquelle la maréchaussée de Toulon mit fin, non sans mal.

 

Il y avait aussi des courses et bien sûr des jeux de boules dans la fameuse allée des mûriers, et des danses auxquelles participaient tous les jeunes gens du pays. A l'issue de ces concours, des prix étaient affectés et donnaient naissance aux réjouissances de "joies". Le "joie" était un poteau avec un cercle comparable à un mât de cocagne auquel étaient accrochées diverses choses : châles, écharpes et même tailloles. Le premier qui avait grimpé prenait ce qui lui plaisait, ainsi le second...

 

C'est là que l'histoire du pays place l'anecdote du coureur aixois renommé vaincu par un berger de Tourris. Ce coureur célèbre avait une culotte avec de nombreux grelots, chacun d'eux représentant une victoire. Quand il fut battu par le jeune berger de Tourris, dont l'histoire a oublié le nom, le coureur lui donna sa culotte en disant : "Tiens, tu l'as bien gagnée, maintenant tu peux la porter".

 

Tous les dimanches, la famille De Gasquet assistait à la messe dans la chapelle du château, chapelle désaffectée depuis une quinzaine d'années, sous laquelle étaient inhumés tous les membres de la famille de Tourris. A l'issue de la messe, le comte et la comtesse recevaient sur le perron tous les jeunes garçons et jeunes filles, ainsi que les personnes âgées qui venaient les saluer et leur témoigner leur amitié. La population a diminué dans les années 19OO pour n'être plus qu'une trentaine de personnes en I914. Les familles Meiffret, Castellan et Carret avaient émigré et s'étaient rendues soit au Village, soit dans la vallée de Dardennes, soit encore dans la commune de Toulon.

 

Aujourd'hui, Tourris s'est éteint ; il ne reste plus que les ruines imposantes du vieux château où Mireille aurait pu tout aussi bien aimer Vincent qu'au Val d'Enfer, car le décor s'y prête vraiment et il n'a rien à envier aux autres décors de la Haute-Provence.

 

Le Tourris passé a vécu ; quel regret de ne pas l'avoir connu. Comme disent les vieux, on ne peut pas être et avoir été.

 

Avec un esprit de fiction, je le crois, pouvons-nous espérer le repeuplement de ces régions isolées ? Avec la route de dégagement nord qui est en train de s'achever, ces trois hameaux : les Olivières, les Bouisses, Tourris seront plus visibles qu'auparavant.

 

L'avenir fera bien des choses, souhaitons qu'il les fasse bien.


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