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🦅 Un village haut perché - Le Revest de Charles Banon





Le Revest-les-Eaux
par Charles Banon – 1970


Document extrait des archives de Charles et Odile Vidal

Vieux village typiquement provençal bâti sur un piton au fin fond de la Vallée de Dardennes dans lequel coule, par intermittence, la petite rivière du Las.

Le village est surplombé au Nord par le massif du mont Caume (810 m) et au Nord Est par les contreforts du massif de Siou Blanc où l’on retrouve la vraie nature sauvage encore intacte.

Le village lui-même se compose de petites rues tortueuses souvent en escalier, avec les bancs de pierres devant les vieilles maisons, et qui aboutissent toutes à la tour carrée que l’on aperçoit dominant la vallée.

Du pied de la Tour (220 m), on aperçoit la rade de Toulon, les sommets du Coudon et le versant Nord, abrupt et déchiqueté, du massif du Faron ; on découvre à ses pieds le plan d’eau du Barrage, construit en 1912 pour alimenter la Ville de Toulon (1 million de mètres cubes de retenue).

Ce barrage ne reçoit pas d’eau de rivière ou de ruissellement, mais au contraire est alimenté par les sources souterraines du Ragas et de la Foux. C’est-à-dire que ces eaux sont d’une pureté parfaite, car elles proviennent des infiltrations du massif de Siou Blanc et du Grand Cap. Depuis 1925 cependant, les eaux sont ozonisées à la sortie du barrage dans l’usine installée à 200 m du pied du mur.

Avant la construction du barrage et les travaux qui ont précédé cette construction, la rivière Le Las coulait régulièrement toute l’année, donnant ainsi pendant l’été des oasis de fraîcheur bien connues des Toulonnais d’avant la Belle Époque, qui venaient s’y promener à peu de frais, à pied ou en utilisant les diligences qui partant de la place Gambetta vous menaient pour 0,25 Ctm en 1 heure à Dardennes et pour 0,35 Ctm au Revest, mais en une heure et demie, ce qui n’était pas plus rapide, mais moins fatiguant que d’aller à pied.

Du ravin situé au nord du cimetière sortait au fond de la vallée la source de la Foux, rive droite, qui était canalisée dans une sorte de bassin et dirigée, contrôlée par des vannes dans un canal à ciel ouvert de près de 10 km de long en suivant la rive droite de la rivière, traversait les fortifications à Saint-Roch, passait vers la rue Picot, place d’Italie et se terminait vers le port Marchand.

Ce canal que l’on appelle encore le béal (en provençal le bieu ou le bief) en dehors de son rôle d’alimentation en eau de Toulon, était utilisé comme distributeur de force motrice pour moulins à huile, moulins à farine, forges, martinets, fouloirs à drap, toutes industries et l'on en trouve encore des traces dans les vieux immeubles à travers lesquels il passe.

Tous les champs irrigués par le béal étaient couverts de belles prairies, des lavoirs en plein air installés sur ses bords et il permit aux Revestois de développer une industrie du blanchissage du linge des Toulonnais qui, pendant que les Parisiens chics se faisaient blanchir à Londres, envoyaient leur linge au Revest où la pureté de l’eau et le séchage sur les prairies au soleil rendaient le linge impeccable.

Le béal était en même temps bordé de mûriers, ce qui permettait l’élevage des vers à soie, petite industrie d’appoint réservée aux femmes et aux enfants.

Le revers de la médaille, c’est que dès qu’une épidémie se déclarait à Toulon, choléra entre autres, le Revest ne manquait pas de payer son tribut, par la grâce des blanchisseuses, qui servaient bien entendu de porteuses de germe.

On comptait vers 1860 dans la vallée 14 moulins à farine mus par l’eau du béal, le premier de ses moulins était au pied de la Tour du Revest et a été englobé dans le mur même du barrage lors de sa construction en 1912, mais on voit encore les murs lorsque le barrage est à sec.

Naturellement, la question des eaux, comme il se doit, n’a jamais cessé de donner du travail aux tribunaux, les utilisateurs en aval se plaignant toujours de ceux qui sont en amont, et tour à tour, les Seigneurs du Revest et de Dardennes furent en procès à propos des eaux depuis 1600 au moins.

C’était le pot de terre contre le pot de fer et depuis 1890, les sources du Ragas et de la Foux, sur le territoire du Revest, furent captées petit à petit par la ville de Toulon qui finalement acheta le tout vers 1905, privant ainsi définitivement Le Revest de l’eau qui sort de son sol …

La mairie actuelle et l’école ont été construite avec les fonds provenant de l’indemnité attribuée au Revest par le Ministre de l’Intérieur (50 000 Francs Germinal).


Historique


Le géographe Strabon (60 ans après J.C.) parle d’un pays, alors Celto-Ligure, situé à 1 km environ au nord de Toulon, au pied d’une grande montagne sur laquelle on avait construit un oppidum en un point appelé Louérion ou Laurion ; ce serait le quartier du Lauron situé au Nord-Nord Ouest, au pied du mont Caume à 260 m d’altitude. Effectivement dans ce site, près d’une source, on a trouvé les vestiges d’un oppidum et exhumé de ce lieu un grand nombre de poteries noirâtres et d’un travail grossier, en même temps que des pointes de flèches en silex (Prosper Castanié, Provence préhistorique, T.1 page 169.)

Sous la période sarrasine (IXe siècle), on exploitait à fleur de terre une mine de cuivre au quartier du Lauron et plus tard une mine de galène argentifère, toujours au flanc du mont Caume. (E. Garcin, Dict. De Provence T.II page 334).

Lorsque les Sarrasins eurent conquis la Provence, ils durent s’y fortifier pour s’y maintenir. Les Tours sarrasines du Revest, du château de Dardennes et de Sanary, identiques de dimensions et construction, sont de beaux spécimens de l’architecture militaire de l’époque.

Une voie romaine partant de Marseille en direction de Hyères quittait au Beausset la route nationale actuelle pour aller vers l’Est en évitant Toulon et surtout les gorges d’Ollioules qui devaient être un coupe-gorge et de plus fort peu praticables.

Cette voie passait franchement à l’Est de Sainte-Anne-d’Évenos, gardant toujours de la hauteur, par sécurité très certainement, passait au château du Broussan qui devait être un relai pour les courriers, puis par le Col du Corps de Garde, le pont des Marlets, contournait le mont Caume au sud, pour arriver par la source de Malvallon à l’oppidum du Lauron, dont nous avons parlé plus haut. Tout l’itinéraire permettait d’éviter les dangereux fonds de vallée et étaient et sont encore jalonnés de points d’eau. Du Lauron, soit par les Olivières et Tourris, soit par le pied du barrage où existe encore un « pont romain », on franchissait le Las et on pouvait par le chemin des Favières déboucher soit vers la plaine de Hyères, soit si l’on passait par Tourris, rejoindre les trois Solliès et la vallée du Gapeau.

Au XIIe siècle, probablement après la construction de la Tour sarrasine, on construisit un petit château fort au pied de la Tour, en même temps qu’une chapelle, le tout actuellement en ruine, mais on peut y retrouver des vestiges de constructions solides et importantes.

Contre le château, se construisit le vieux village actuel dont les maisons affichent à leur fronton la date de construction (1665, 1759 …)

L’église actuelle porte sur une pierre de sa façade la date de  1679.

Pour les constructeurs de l’époque romaine, amener l’eau du Lauron vers le village actuel était un jeu d’enfant et les citernes étaient suffisantes pour assurer le ravitaillement en eau dans les périodes troublées lorsqu’il valait mieux ne pas se hasarder trop loin.

La tour sarrasine qui domine Le Revest est à 1 200 m à vol d’oiseau de la tour identique qui flanque l’aile Sud du château de Dardennes, avec laquelle elle communique à vue, celle de Dardennes communiquant également à vue avec Six-Fours.

Ces tours identiques de 9 mètres de base,11 mètres de haut, des meurtrières de chaque face, une seule ouverture à 3 mètres du sol (au Revest une porte a été ouverte au pied de la façade est) et deux étages voûtés, sans charpente aucune dans les œuvres vives.

Ces tours furent-elles construites par les Sarrasins refoulés d’Espagne et  stationnés en Provence pour leur servir de dépôt et base de refuge après leurs razzias dans la région, ou au contraire par les gens du pays pour se mettre à l’abri des incursions des Sarrasins ? Les deux hypothèses sont valables et il est probable que ces tours ont servi tour à tour à l’un et l’autre camp.

En contrebas de la Tour du Revest, 50 mètres plus bas environ, et à peu près dans l’axe du mur du barrage, existe encore une petite construction basse de 5 mètres de long, 2 de large, appelée Saraillon. C’était à l’époque Celto-Ligure en même temps qu’un poste de garde avancé, car on avait vue sur le fonds de la vallée, un emplacement où l’on faisait des sacrifices rituels. Il est bien conservé et l’on voit encore creusés dans le rocher avoisinant des espèces de cuvettes où l’on faisait couler le sang des animaux sacrifiés.

A noter que face au Saraillon, sur la rive gauche, c’est-à-dire à l’extrémité du mur du barrage, un terrain boisé, en pente douce, est appelé le quartier des Camps.

Le Revest s’appelait, jusqu’en 1920 Le Revest tout court, mais ce nom est assez répandu en Provence, il y a Le Revest-du-Bion dans les Basses-Alpes, un autre Revest dans les Alpes-Maritimes, et même un hameau à peu près disparu, non loin de Montrieux dans la vallée du Gapeau.

Le village est donc devenu depuis 1920 Le Revest-les-Eaux pour le distinguer de ses homonymes, mais par ironie du sort, c’était depuis 10 ans un village qui n’avait plus pour s’alimenter que le débit insuffisant l’été des petites sources du mont Caume, Malvallon, le Lauron et le Ray pendant que lentement, mais sûrement, la population passait de 350 à 800 et 1700 habitants actuellement.

Ce nom de Revest vient du provençal "revers", c’est-à-dire l'hubac, le contraire de l’adret : c'est le versant nord.

La rivière du Las tire son nom du provençal Aisso qui signifie une hache en pierre, son cours tourmenté pouvant ressembler en plan à celui d’une hache.

Le nom de Dardennes et son orthographe sont très controversés. Certains disent qu’en l’écrivant avec une apostrophe d’Ardenne, ce nom viendrait du provençal Ardéou qui veut dire boisé, venté ; d’autres prétendent qu’à la suite de mariages, un comte venant des Ardennes serait devenu seigneur du lieu et lui aurait donné son nom.
Quoiqu’il en soit, après le siège de Toulon de 1707 par le Prince Eugène de Savoie qui dut lever le siège devant l’armée royale du Maréchal de Tessé, arrivé à marches forcées du Dauphiné, par Sisteron, Manosque, Tourves, Brignoles, Montrieux et Le Revest, il n’y avait plus d’argent pour payer les troupes, et l’on fut amené à frapper sur place une monnaie, la Dardenne, en utilisant les forges du hameau de Dardennes (qui marchaient avec l’eau du Béal), d’où son nom de Dardennes.

Le pays en dehors de son cadre naturel dont la beauté frappe surtout les gens du dehors, offre peu de ressources.

Pendant des siècles,les Revestois ont construit jusqu’au sommet des montagnes qui les entourent, des murs en pierres sèches, les fameuses restanques destinées à retenir le peu de terre que les orages emportaient dans la vallée d’année en année et quand on songe que toutes ces pierres ont été apportées et mises en place uniquement à la main, qu’elles tiennent encore au bout de 4 à 500 ans, on reste d’autant plus rêveur qu’on ne trouve plus personne pour effectuer un tel travail.

C’est sur ces restanques que les villageois cultivaient leurs oliviers, leurs amandiers, des cultures pauvres qui leur permettaient de vivre chichement du produit de leurs terres avec des chèvres, des moutons, et des lapins. On exploitait les bois de pins qui se vendaient bien, les fascines pour chauffer les fours des boulangers de Toulon, les troncs pour le chauffage et les poteaux des mines.

On faisait de l’huile de cade après les coupes de bois, du charbon de bois, et avec l’écorce des chênes, du tanin pour les cuirs.

Au hameau des Olivières ,aujourd’hui en ruine, vivait la famille Meiffret, une trentaine de personnes qui cultivaient les terres de Tourris, sur lesquelles il y avait eu tour à tour une verrerie, une fabrique de goudron, puis une mine de bauxite.

Tout cela est maintenant abandonné, mais intéressant à parcourir, car le paysage sauvage n’a pratiquement pas changé. On peut y aller à pied par le barrage et en voiture par Tourris.

Dans cet ordre d’idées, les amoureux de la nature et de la marche peuvent aller en 6 heures à pied du Revest à Fierraquet, Siou Blanc, Valbelle, jusqu’à la Chartreuse de Montrieux-le-Jeune. On traverse des forêts de chênes, et après les Aiguilles de Valbelle, qui ressemblent en plus petit aux Religieuses des Mées, près de Digne, on tombe sur la Chartreuse, où l’eau ruisselle en plein été dans un site splendide. Les voitures peuvent passer par la route forestière de Solliès-Toucas aux Morières, Siou Blanc, l’embranchement de la Limatte (20km) et Signes.



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