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☨ La Résistance sous l'occupation allemande - Louis Camolli par Claude Chesnaud



CAMOLLI Louis (1903-1971)
Agent secret de liaison du réseau F2-Azur
Chef des F.F.I. revestois

 

Louis Auguste Camolli est né à Toulon le 31 mai 1903. C’est le fils d’un ouvrier de l’arsenal de Toulon. Il fait des études à l’école Rouvière.
En 1924, il devient journalier au service des eaux de la ville de Toulon. Il est chargé de la station de stérilisation des eaux du Revest et habite dès lors notre Commune. Deux ans plus tard, il est titularisé. En 1936, il devient ouvrier spécialiste en électricité.

Louis Camolli se marie en octobre 1927 au Revest Les Eaux. Il aura un fils, Etienne, qui ne sera pas baptisé.

En 1920, c’est la scission entre communistes et socialistes français. Camolli choisit le militantisme socialiste S.F.I.O.. Il représente la section du Revest au premier congrès fédéral le 3 décembre 1923. Il devient conseiller municipal le 5 mai 1935 avec 79 voix sur 159 inscrits. Secrétaire de la section socialiste, il occupe les fonctions d’adjoint au maire au début de la guerre.  Il est Franc-maçon, secrétaire de la section de la Ligue des Droits de l’Homme, Président des Faucons rouges jusqu’en 1938 et aussi correspondant du « Petit Provençal ».

La période 1939-1945


Louis Camolli est mobilisé dans le Génie à Montpellier en avril 1940. Après la défaite de 1940, le gouvernement de Vichy supprime la « République Française », interdit les conseils généraux, supprime les Ecoles Normales (foyers révolutionnaires et anti-militaristes). Le 27 septembre 1940, le bulletin du Syndicat des Instituteurs du Var est interdit de parution.

Une lettre anonyme


En 1940, une lettre anonyme met en cause l’honnêteté du maire du Revest,  Meiffret Pierre. Cette lettre dénonce aussi la présence du drapeau de la section socialiste du Revest les Eaux dans le hall de la mairie et la publication et la distribution de tracts.

Le 17 décembre 1940, à 16h30, un commissaire divisionnaire de la direction générale de la sûreté nationale du Ministère de l’Intérieur organise deux perquisitions, une à Toulon l’autre au Revest les Eaux (rue Maréchal Foch) dans les domiciles de Camolli.

Le rapport, établi ce jour-là, fait état d’une perquisition minutieuse mais : « ces deux opérations se sont montrées infructueuses ». Ce rapport, avec un rapport d’accompagnement, sera transmis au juge d’instruction du 2ème cabinet de Toulon avec copie au Préfet du Var.

Le rapport d’accompagnement signé par le commissaire divisionnaire précise que Camolli est un employé à la mairie de Toulon, « qu’il est secrétaire de la section du parti socialiste SFIO et de la section de la ligue des Droits de l’Homme du Revest. Connu comme franc-maçon, il est conseiller municipal. Ce dernier n’est pas connu de mon service comme communiste ou sympathisant. »
 
Le juge d’instruction du 2ème cabinet de Toulon note que Camolli est employé de mairie et fait suivre à la délégation spéciale de Toulon.

Le préfet du Var, par note confidentielle en date du 21 décembre 1940, « signale » Louis Camolli au président de la délégation spéciale de la mairie de Toulon.

Le 7 janvier 1941, Louis Camolli est relevé de ses fonctions « attendu que l’attitude de cet employé est de nature à compromettre l’œuvre de redressement entreprise par le gouvernement ».

Le commissaire divisionnaire, auteur du premier rapport, en fera un second en date du 29 janvier 1941, toujours suite à la lettre anonyme. Le maire du Revest les Eaux sera lavé de tous soupçons grâce à des éléments financiers incontournables. Meiffret Pierre ne touchait aucune allocation de la mairie, même pour « frais de représentation ». Les différents dons qu’il fait à la commune le sont avec sa fortune personnelle. Pour le drapeau dans le hall de la mairie, nous pouvons lire : « Le sieur Camolli conseiller municipal … avait déposé, à l’insu du Maire, dans les couloirs de l’Hôtel de ville, le drapeau de (sa) section politique, la gendarmerie l’ayant découvert l’a saisi. »

Louis Camolli, agent secret

Louis Camolli séjourne quelque temps à Bordeaux puis revient dans la région toulonnaise où il renoue des liens avec les milieux résistants. Fin 1942, en relation directe avec le chef résistant toulonnais Orsini, Louis Camolli devient membre de l’A.S. (Armée Secrète). En septembre 1942, Louis Camolli (dit Lou) devient agent du réseau F2-Azur (agent P1, numéro 5529). Ce réseau a été mis en place, dès juillet 1940, par Gaston Havard (Adjoint d’Etudes à l’Arsenal) et Thadée Jekiel (Ingénieur du Génie Maritime de la Marine polonaise) chargé d’organiser en territoire français un réseau de renseignements. Ce réseau se crée sans professionnels. Il fonctionnera efficacement et sans interruption de septembre 1940 à la Libération. Tous ses agents acceptent immédiatement les méthodes de cloisonnement, de discrétion qui ont fait leurs preuves dans des luttes passées (résistance polonaise à l’occupation russe avant la première guerre mondiale).

Ce réseau très rigoureux subira néanmoins des pertes :

  • Léon Sliwinski (dit Jean Bol) chef du réseau de mars 1941 à décembre 1942 (jusqu’à son arrestation)
  • Auguste Brun (dit Volta) co-fondateur du réseau F2, arrêté à Nimes le 5 juin 1943, torturé et déporté
  • Trolley de Prévaux (dit Vox) chef du sous réseau Anne d’avril 1943 à mars 1944. Il est magistrat instructeur auprès du Tribunal Militaire, il est mis en disponibilité en raison de son attitude bienveillante à l’égard des prévenus pour activité anti-vichyste. A la suite d’une trahison, il sera arrêté avec son épouse le 29 mars 1944 et ils seront fusillés à Lyon le 18 août 1944.
    Jacques Trolley de Prévaux
    Jacques Trolley de Prévaux



Pour devenir agent du réseau F2-Azur, une sérieuse enquête est effectuée sur la moralité, les opinions politiques, la famille. Les recrues doivent être très disciplinées, efficaces et discrètes. Il n’y a aucune rétribution.

Le réseau est organisé en petits sous-groupes ; chaque petit sous-groupe a en charge un secteur précis. Les renseignements recueillis par les agents subalternes  (plus de 300), rassemblés par les chefs de secteurs, sont classés, confrontés, appréciés par une véritable centrale. Ce qui est exploitable est acheminé sous deux formes : télégrammes par radio (plusieurs fois par jour) et rapports (2 fois par mois).

La sécurité est fondamentale. La « Centrale » change d’adresse tous les quinze jours, les lieux de liaisons entre agents changent chaque fois. Les agents « boîte aux lettres » ignorent le contenu, la provenance et la destination des renseignements. Tous ces lieux sont munis de systèmes d’alerte qui sont aisément visibles de l’extérieur (exemple : rideau tiré). Chaque agent, en cas d’arrestation, doit s’efforcer de garder le secret sur ses activités au moins 36 heures permettant ainsi de déménager, camoufler tout ce que l’agent arrêté peut connaître. Plusieurs agents arrêtés, craignant de ne pas pouvoir résister à la torture, se suicidèrent.

Régulièrement, de mai 1942 à fin 1942, par les nuits sans lune, vient de Gibraltar un petit bateau sous le commandement du lieutenant de Vaisseau Buchowski de la Marine de guerre polonaise pour livrer du matériel, prendre les rapports et évacuer les agents compromis. Ces opérations sont exécutées entre Cannes et St Raphaël, les calanques de Cassis et les plages du Languedoc. Elles sont organisées par Léon Sliwinski ou par Gilbert Foury ou Thadée Korycki ou Pietraszowski.

Après l’arrestation de Trolley et le départ d’Havard, Ambroise Massei et Marius Camolli, tous deux salariés à l’Arsenal de Toulon, prennent la responsabilité du réseau F2-Azur.

Louis Camolli, F.F.I.

Brassard FFI Louis Camolli

 


Le 2 août 1944, Louis Camolli assiste à une réunion secrète organisée par Auguste Marquis, adjoint d’Orsini (responsable du réseau Armée Secrète), afin de préparer les événements.

Le 15 août 1944, c’est le débarquement en Provence : au Rayol, au Canadel, à Théoule, à Pampelonne, à la Nartelle, à la Garonnette, à Anthéor, au Dramond.

Le 16 août 1944, c’est le débarquement à Sylvabelle et à la Foux du général de Lattre.

Le 18 août 1944, débutent les premiers combats contre les avancées du camp retranché de Toulon : 25 000 soldats allemands puissamment armés et abrités dans 30 forts et d’innombrables casemates. Toulon appuie aussi sa défense sur la presqu’île de Saint Mandrier dont l’armement est redoutable.

Le 19 août 1944, c’est le contournement de Toulon par Puget-Ville, Méounes, Signes. A partir de Méounes, les Alliés rejoignent le Revest, passage obligé afin d’attaquer Toulon par le Nord. A partir de Signes, les Alliés prennent la direction de Sanary/Bandol afin de bloquer d’éventuels renforts allemands.

Dans la nuit du 19 au 20 août 1944, Camolli et son groupe de F.F.I. prennent contact vers Siou Blanc avec le 3ème Régiment de Tirailleurs Algériens. Les F.F.I. revestois, sachant que le fort du mont Caume n’est pas occupé par les Allemands, guident les Tirailleurs vers le Revest en utilisant les chemins charretiers proches du Caume. Les Allemands attendaient des chars alliés contournant le Faron par La Valette : ce sont les Tirailleurs Algériens qui surgissent au Revest les Eaux. Les Allemands attendaient,  postés au barrage, des chars alliés sur le C46 : c’est Dominique Moretti qui surgit, fusil mitrailleur à la main, avec un groupe de F.F.I. revestois. Le 20 août 1944, le Revest est libéré. La bataille de Toulon peut commencer.

Des combats violents se produisent dans la vallée jusqu’au 25 août 1944. Le groupe des F.F.I. de Camolli est le plus important : 52 hommes sur les 115 volontaires qui livrent, avec les Alliés, différents combats.

Le 22 août 1944, la poudrière de Saint Pierre des Moulins saute. Cinq cent Allemands défendent les quatre galeries. Les survivants se rendent le lendemain. Le fort du Coudon est aussi un lieu de combat atroce. Il y a peu de survivants côté allemand.

Le 24 août 1944, un F.F.I. revestois est tué au combat au fort d’Artigues : Chailloux Lucien. Il avait rejoint la CFL de Toulon 1ère compagnie le 27 février 1944.

Le 27 août 1944, les troupes françaises défilent dans Toulon.

Les pertes sont élevées et cruelles : 2700 français de France et d’Afrique ont été tués ou blessés. Les pertes allemandes se montent à 8000 tués ou blessés et à 17 000 prisonniers.

De nombreux Revestois ont activement participé à la libération du Revest les Eaux et donc de Toulon, plus particulièrement ceux du groupe Camolli Louis qui ont guidé le 3ème RTA dans la nuit du 19 au 20 août 1944 :

  • Camolli Louis
  • Grandi Dominique
  • Menconi « Miette »
  • Muraccioli Benoît
  • Poch René
  • Soma Georges
  • Etienne Camolli (16 ans)
  • D’Ollone Guy (17 ans)


Dominique Moretti fournit depuis 1943 de nombreux renseignements militaires au réseau F2-Azur. En août 1944, responsable du sous-groupe de FFI Camolli, il attaque la colline du Colombier : de nombreux Allemands sont tués ou faits prisonniers. Après avoir reçu la croix de guerre en 1939, Moretti est à nouveau cité en 1946 avec attribution de la croix de guerre avec étoile de bronze car d’un « sang-froid admirable et d’un courage remarquable lors de la Libération de Toulon ».

Dans son « Histoire de la 1ère Armée Française Rhin Danube », le général de Lattre de Tassigny écrit : « … Ce sont les F.F.I. qui, dans la nuit du 19 au 20 août (1944), conduisent les Tirailleurs (Algériens) de Linarès à travers la montagne désertique du nord de Toulon puis les aident à nettoyer les approches de Dardennes. Ce sont eux qui, à l’intérieur de la ville (de Toulon), font le coup de feu avec nos chars, harcèlent l’adversaire, attaquent ses véhicules ou même prennent part à l’attaque de ses points d’appui comme au fort Lamalgue ou au château de l’Aguillon ».

Le général de Gaulle rend les honneurs à Louis Camolli


Louis Camolli, agent de liaison du réseau F2-Azur et responsable F.F.I. revestois a tenu un rôle important, parfois essentiel.

Les services de renseignements de l’Etat Major Polonais (réseau F2-Azur) certifient ses activités pendant la guerre en écrivant :


Camolli Louis s’est engagé comme volontaire dans les rangs du réseau « F2 » et y a servi avec honneur, courage et loyauté. Il a ainsi participé d’une façon particulièrement efficace à la délivrance de la France et à la victoire des nations alliées.



Le 31 août 1944, le général de Goislard de Montsabert attribue à Camolli la croix de guerre avec étoile de bronze car :


Le 20/8/44, Monsieur Camolli Louis s’est mis volontairement à la disposition du chef du 1er Bataillon pour servir de guide. A conduit dans les meilleures conditions le bataillon de Siou Blanc à Toulon. Au cours du siège de cette ville est resté continuellement présent, déployant une très grande activité pour guider malgré les violents bombardements les patrouilles de reconnaissance et de liaison .



Le 7 juillet 1945, le général de Gaulle, Président du Gouvernement provisoire de la République Française, et le général Juin, chef d’Etat-major de la Défense Nationale, lui attribuent la croix de guerre avec étoile d’argent :



Camolli Louis (F.F.C.) agent d’un S.R. en territoire occupé par l’ennemi s’est parfaitement acquitté de toutes ses missions depuis septembre 1942. A fait montre d’abnégation avant et pendant les combats libérateurs de Toulon.
Doué d’un rare courage et d’un patriotisme ardent, s’est donné corps et âme au sous-réseau, organisant le service cartographique  et recueillant des renseignements de la plus haute importance concernant l’armement, les fortifications, les mouvements de troupes ennemies. Il s’était spécialisé sur les recherches de pistes faibles allemandes, ceci en vue d’un débarquement probable des Alliés.
A servi de guide pendant les combats libérateurs de Toulon, obtenant une citation élogieuse avec croix de guerre. Travailleur infatigable, cet agent s’est acquitté des différentes tâches qui lui étaient confiées par son chef avec tout le brio de son tempérament actif et débrouillard autant qu’intelligent.



Après la guerre, Camolli devient chef de l’usine de stérilisation des eaux de la Valette. Il se remarie en 1952. Il prend sa retraite en 1968 comme ingénieur subdivisionnaire. Il est toujours Franc-maçon et milite à la S.F.I.O..

Il meurt au Revest les Eaux le 30 mai 1971. Ses obsèques sont civiles. La presse publie de nombreux articles, « République » titre :

« Une noble figure de la Résistance disparaît »

 

Sources : Article de Claude Chesnaud
    - archives départementales,
    - archives des Amis du Vieux Revest,
    - La Résistance dans le Var par Victor Masson,
    - La Résistance dans le Var par Jean Marie Guillon, Professeur des Universités à l’Université de Provence,
    - Camolli Louis par Jacques Girault, Maître de Conférence à l’Université de Paris 1 Sorbonne,
    - documents remis par Mme Camolli Louis et M. Moretti Dominique,
    - photos de la collection de Scolca Gérard.




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