â Ăcrivains et artistes - La botanique dans lâĆuvre de George Sand
Conférence de Jean-Claude Autran au Revest le 28 mai 2016
Comme cela ressort de son Ćuvre, George Sand a bien eu du goĂ»t, de lâintĂ©rĂȘt, de la passion pour la botanique, câest Ă dire pour lâĂ©tude, la description, la dĂ©nomination, la classification des espĂšces vĂ©gĂ©tales, et plus gĂ©nĂ©ralement pour les sciences naturelles puisquâelle avait aussi une bonne expertise en gĂ©ologie et minĂ©ralogie. Pour elle, il Ă©tait important de savoir nommer et classer.
A - Origines de la passion de George Sand pour la botanique
Le XVIIIe siĂšcle avait mis Ă la mode l'habitude d'herboriser, Ă l'image de Jean-Jacques Rousseau. Tout comme Alexandre Dumas (nĂ© en 1802), qui avait une profonde connaissance de la nature, George Sand (nĂ©e en 1804), manifeste beaucoup dâadmiration pour Jean-Jacques Rousseau.
Les goĂ»ts naturels de la jeune Aurore [on rappelle que notre romanciĂšre ne prit le nom de George Sand quâen 1832 et quâelle naquit « Amantine Aurore Lucile Dupin »], son enfance Ă Nohant, dans le Berry (Ă partir de 1808), tout cela fera dâelle un ĂȘtre passionnĂ© par la nature et particuliĂšrement par la vie vĂ©gĂ©tale et par ses manifestations les plus simples comme les fleurs, les herbes et les jardins.
Cette passion de George Sand pour la botanique ne va cesser de se dĂ©velopper au cours de sa vie grĂące Ă son travail Ă partir des ouvrages de lâĂ©poque, mais surtout grĂące Ă sa rencontre avec plusieurs personnages fĂ©rus de botanique : son prĂ©cepteur Deschartres ; un Ă©tudiant parisien, de Grandsaigne, qui lui enseigna les sciences naturelles ; un certain Germain de Saint-Pierre, lorsquâelle viendra sĂ©journer Ă Tamaris, de qui elle Ă©crira « jâen ai plus appris avec lui dans un soir que les livres ne mâen ont encore fait comprendre ». Mais ce sera surtout Jules NĂ©raud (dit le Malgache) qui sera, pendant de nombreuses annĂ©es, son guide botaniste le plus autorisĂ©.
Avec son prĂ©cepteur Deschartres. La jeune Aurore nâa pourtant pas acquis cette passion dĂšs son jeune Ăąge Ă lâĂ©poque oĂč, entre lâĂąge de 7 ans et lâĂąge de 13 ans, son prĂ©cepteur Deschartres lui apprenait les rudiments de tout ce qui devait faire lâĂ©ducation des jeunes filles, du latin Ă la broderie, de lâarithmĂ©tique Ă la versification, du piano Ă la grammaire, et naturellement les sciences naturelles, avec la botanique dont Deschartres Ă©tait un connaisseur.
La jeune Aurore (portrait par Alfred de Musset, 1833)
Car, comme elle lâĂ©crira plus tard dans Histoire de ma vie, « Ă cette Ă©poque, la botanique n'est point du tout une science Ă la portĂ©e des demoiselles ». En effet, « pour comprendre la botanique il faut connaĂźtre les mystĂšres de la gĂ©nĂ©ration, de la fĂ©condation et la fonction des sexes ; c'est mĂȘme tout ce qu'il y a de curieux et d'intĂ©ressant dans l'organisme des plantes ». Il est vrai que la dĂ©termination et la classification des plantes repose en grande partie sur la structure et lâorganisation de la fleur, ses organes mĂąles et ses organes femelles et, comme on le pense bien, Deschartres lui cache tout ce qui touche aux organes de reproduction. « La botanique se rĂ©duisait donc pour moi aÌ des classifications purement arbitraires - puisque je n'en saisissais pas les lois cachĂ©es - et aÌ une nomenclature grecque et latine... ». DĂ©jĂ apparaĂźt sa tendance Ă poĂ©tiser les notions scientifiques, puisquâelle rajoute : « Que m'importait de savoir le nom scientifique de toutes ces jolies herbes des prĂ©s, auxquelles les paysans et les pĂątres ont donnĂ© des noms souvent plus poĂ©tiques et toujours plus significatifs : le thym de bergĂšre, la patience, le pied de chat, la mignonette, la repousse, le danse-toujours, l'herbe aux gredots, etc. » ?
La botanique aux noms barbares quâelle doit apprendre ne lui apparaĂźt donc Ă cette Ă©poque que comme une discipline pĂ©dantesque et coupĂ©e du rĂ©el. Dans sa jeunesse, elle semble ressentir ce quâĂ©crira un peu plus tard le journaliste et romancier Alphonse Karr : « la botanique est lâart dâinsulter les fleurs en grec et en latin ». A la fin de 1817, notre jeune Aurore, indocile, elle est mise en pension au couvent des Dames Augustines Anglaises Ă Paris et, en 1820 - elle a 16 ans - elle revient Ă Nohant, sa grand-mĂšre ayant envisager de la marier. Câest alors quâintervient sa rencontre avec Jules NĂ©raud, personnage nĂ© et mort Ă La ChĂątre (1795-1855). Elle commence alors un nouveau parcours botanique, loin des fatras latins et grecs de Deschartres.
Avec Jules NĂ©raud, dit Le Malgache. AprĂšs bien des errements dans sa jeunesse (armĂ©e, Ă©tudes en anatomie comparĂ©e, politique, participation Ă une mission scientifiques dans lâOcĂ©an Indien : Ile Bourbon [La RĂ©union], Madagascar - dâoĂč le surnom que lui donnera George Sand), Jules NĂ©raud revint Ă son pays dâorigine pour se consacrer Ă la botanique et Ă la culture de plantes exotiques. Il devient ainsi le professeur de botanique dâAurore.
Au cours de longues promenades dans les paysages du Berry, Néraud va lui expliquer toute la sexualité des plantes en utilisant des termes facilement assimilables.
Naturellement, il ne va cesser aussi de lui « conter fleurette », Ă©tant devenu Ă©perdument amoureux dâelle, « truffant ses notes de botanique de beaux compliments ou de madrigaux », mais ce sera toujours sans rĂ©ciprocitĂ©. Câest cependant une amitiĂ© trĂšs profonde qui liera les deux personnages et qui durera 35 ans. Des centaines de lettres -seront Ă©changĂ©es avec toujours des expressions comme : « Jâai passĂ© une journĂ©e heureuse auprĂšs de toi, mon brave Malgache [âŠ] ». « Jâai le spleen, Malgache, jâai le dĂ©sespoir dans lâĂąme [âŠ] ». « Je remonte la ForĂȘt-Noire pour chercher une plante que le Malgache veut que je lui rapporte [âŠ] ».
George Sand : portrait aux fleurs par Auguste Charpentier en 1838
GrĂące Ă NĂ©raud, elle acquiert donc de solides bases en botanique. Ainsi Ă©tait donnĂ©e une impulsion dĂ©finitive Ă cette vĂ©ritable passion qui va continuer Ă peu prĂšs toute la vie de George Sand (sauf peut-ĂȘtre entre 1837 et 1854 dans les pĂ©riodes oĂč elle vit Ă Paris, ou lorsquâelle est prĂ©occupĂ©e par ses problĂšmes financiers, ses passions nombreuses ou son divorce), une passion qui se prolongera et sâamplifiera mĂȘme aprĂšs la mort de NĂ©raud et lorsquâelle aura elle-mĂȘme dĂ©passĂ© lâĂąge de 50 ans. Elle saura identifier et classer un grand nombre de plantes, une tache difficile qui demande une parfaite connaissance de la morphologie dâune plante, qui demande « du mĂ©tier », des annĂ©es de travail.
Cette connaissance de la botanique va se décliner de plusieurs maniÚres parallÚles :
- Elle réside de plus en plus à Nohant.
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Ses Ă©tudes et ses observations, parfois approfondies, apparaissent dans les agendas-journaux quâelle tient rĂ©guliĂšrement, dans ses Lettres dâun voyageur, ou encore dans Les contes dâune grand-mĂšre (1872-1876). De mĂȘme, sa correspondance avec son fils, sa fille, ses amis, et plus encore ses agendas, sont remplis de notations botaniques. Par exemple :
- 22 juillet 1860 : « Toute la journĂ©e, botanique (âŠ) et puis on dĂźne et on refait de la botanique. Oh, on fait un herbier. Bigre ! »
- 1er août 1860 : « Botanique dans le jardin, et toute la journée au salon. Bain en herborisant. Dßner. Botanique... botanique ».
- 2 août 1860 : « Botanique. Botanique. Botanique. Botanique. Botanique. Dßner. Botanique. Bésigue. Botanique ».
- En dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e, elle Ă©crit au prince JĂ©rĂŽme : « Ma passion du moment, câest la botanique ».
- En 1867, elle Ă©crit Ă Flaubert : « Je prends un bain de botanique, je me porte comme un charme, je bois de la botanique » et, en 1872, au mĂȘme Flaubert : « Ce que jâaimerais, ce serait de me livrer absolument Ă la botanique, ce serait pour moi le paradis sur la terre ».
- Elle se lance dans la confection dâherbiers. Câest Ă Nohant, au dĂ©but de 1830, quâelle commence son premier herbier. Ce devait ĂȘtre le grand herbier du Berry. ConstituĂ© entre 1832 et 1837, ce ne fut cependant jamais un herbier trĂšs consĂ©quent : 125 plantes environ, avec un Ă©tiquetage trĂšs approximatif. Seules quelques planches de cet herbier ont Ă©tĂ© conservĂ©es dans la BibliothĂšque historique de la ville de Paris et dans la collection de Christiane Sand.
- Il apparaĂźt que le lien de George Sand avec la botanique a un caractĂšre atypique :
- Elle élÚve ses réflexions bien au-delà de la botanique :
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La passion de George Sand pour la botanique ne cesse de sâamplifier au point de se traduire dans ses romans et ce, de diffĂ©rentes maniĂšres : simple dĂ©cor, symbolique de la fleur, ou vĂ©ritable Ă©rotique.
Il y a dâailleurs, dans la botanique, deux mouvements : lâanalyse dâabord, câest-Ă -dire lâinventaire, puis la synthĂšse, câest-Ă -dire la classification. Ne sâagit-il pas lĂ des deux moments essentiels de la construction romanesque ?
Pages dâherbier de George Sand (coll. Christine Sand)
Par la suite, elle va herboriser dans tous ses voyages (Auvergne, Bretagne, Normandie, PyrĂ©nĂ©es, Italie,âŠ) et, en 1860, elle dĂ©cide la crĂ©ation dâun second herbier, beaucoup plus Ă©tendu, avec des plantes de diffĂ©rentes rĂ©gions de France : flore des montagnes, flore mĂ©diterranĂ©enne,⊠Elle rĂ©dige aussi des Conseils pour constituer un herbier.
On ne sait malheureusement pas ce qu'est devenu ce deuxiĂšme herbier de George Sand. Il ne semble pas quâil ait Ă©tĂ© lĂ©guĂ© aÌ l'AcadĂ©mie française et il est peut-ĂȘtre restĂ© Ă Chantilly oĂč la guerre de 1939-1940 aurait pu lui ĂȘtre fatale. Peut-ĂȘtre certaines de ses planches se trouveraient-elles actuellement aux Ătats-Unis (?).
Mais lâherbier - bien quâelle nâarrĂȘtera pas de mettre des plantes sous presse - la laissera quand mĂȘme insatisfaite : « Lâherbier nâest quâun reliquaire, un cimetiĂšre ». Par rapport Ă la beautĂ© des fleurs naturelles « il ne renferme que des cadavres⊠». Câest cependant le seul moyen dont on a disposĂ© pendant des siĂšcles pour conserver des Ă©chantillons.
Bien quâelle devienne une vĂ©ritable professionnelle en botanique, George Sand nâaura jamais exactement la dĂ©marche dâune scientifique. Ainsi Ă©crit-elle Ă Juliette Lambert : « Ne me dĂźtes plus que je la sais [la botanique], jâen bois tant que je peux, voilĂ tout ». En effet, si elle identifie correctement ses trouvailles, elle ne se contente pas de nommer, de dĂ©crire froidement Ă la maniĂšre dâune scientifique, il faut quâelle ajoute aux descriptions des commentaires personnels sur la beautĂ© des fleurs, sur la poĂ©sie quâelles lui inspirent, en mĂ©langeant toujours noms latins, noms français ou noms vernaculaires : il y aura toujours chez elle ambivalence entre botanique et poĂ©sie, Ă©tats dâĂąme, voire symbolique des fleurs.
« Sur les sommets de lâAuvergne, il y a des gentianes et de statices dâune beautĂ© inouĂŻe et dâun parfum exquis », « Je rapporte lâophrys lutea, superbe, et que je ne donnerai pas cent sous »,⊠« TrouvĂ© 7 ou 8 epipactis blancs dans les bois, les uns avec une longue bractĂ©e Ă la fleur inf de lâĂ©pi, les autres sans bractĂ©e, tous rabougris par le vent et la sĂ©cheresse »âŠ
Elle Ă©tudie en effet de façon approfondie la structure et lâarchitecture des plantes et des fleurs. Elle lâexplore avec passion et attention pour saisir « lâĂąme de la fleur ». Elle a fait, peut-ĂȘtre sous lâinfluence du peintre Delacroix, des Ă©tudes de fleurs, des portraits de fleurs Ă lâaquarelle rehaussĂ©e de gouache.
Ătude de fleur (coll. Christiane Sand)
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Elle Ă©tudie la physiologie vĂ©gĂ©tale et prend connaissance avec grand intĂ©rĂȘt des thĂ©ories de Darwin (Lâorigine des espĂšces, 1859) et se lance dans des rĂ©flexions trĂšs approfondies sur lâĂ©volution, les mutations, lâadaptation de certaines espĂšces aux Ă©volutions du milieu. Elle est notamment fascinĂ©e par la transformation du pĂ©tale en Ă©tamine lors du dĂ©veloppement dâune fleur. Mais elle est, Ă lâĂ©poque, de ceux qui maintiennent lâexistence dâun Dieu crĂ©ateur qui aurait introduit un principe gĂ©nĂ©ral dâĂ©volution. Mais ce Dieu nâest pas celui des catholiques, car elle ne peut pas se lâimaginer hors du monde, hors de la matiĂšre. Elle est donc sur une position complexe, entre spiritualisme et panthĂ©isme. En outre, pour elle, le maintien de lâĂ©quilibre de la nature est essentiel - elle prĂ©fĂšrera les mauvaises herbes aux territoires arrangĂ©s par lâhomme ; elle sera toujours prompte Ă prendre la plume pour sâĂ©lever contre les abus qui viendraient Ă menacer lâexistence du milieu naturel. Une profession de foi Ă©minemment Ă©cologiste.
Nous allons voir, Ă partir de quelques exemples comment la botanique intervient dans ses Ćuvres et que, partant de la botanique, notre romanciĂšre va nous emmener trĂšs loin, et parfois trĂšs haut.
B - La botanique dans quelques-unes des Ćuvres de George Sand
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Le roman Indiana quâelle publie en 1832 est dâune grande importance Ă plusieurs titres :
Câest le premier roman quâelle publie sous le nom de George Sand. Avec Indiana, elle se dĂ©tache de Sandeau et adopte le pseudonyme quâelle conservera dĂ©finitivement.
Elle y aborde les thĂšmes de la nature (dans la lignĂ©e de Rousseau) et de lâexotisme (dans celle de Chateaubriand). Lâaction se situe Ă la fin, dans l'Ăźle Bourbon. Elle en dĂ©crit la flore sans y ĂȘtre allĂ©e, une flore imaginaire. Et, en cela, elle procĂšde comme le feront plus tard les Ă©crivains naturalistes. Dans Indiana, George Sand se fonde sur les carnets que lui avaient fournis son ami botaniste Jules NĂ©raud, le Malgache.
Certes, on nâest pas dans de la botanique au sens strict : il nây a pas dâĂ©tude vĂ©ritablement scientifique des vĂ©gĂ©taux, mais des Ă©numĂ©rations dâessences exotiques, Ă©numĂ©rations toujours poĂ©tisĂ©es par des qualificatifs tels que : « les suaves Ă©manations des orangers », « le parfum des girofliers », « les tamarins murmuraient dans lâombre »âŠ
Mais, ce quâon retient dans ce roman, câest que la botanique devient une vĂ©ritable Ă©rotique dans la confession dâamour faite Ă la jeune Indiana par Sir Ralph, puisque ce dernier devient ivre et fou en voyant « les insectes voluptueusement embrassĂ©s dans le calice des fleurs », ou « la poussiĂšre de pollen que les palmiers sâenvoient ». Ainsi, au travers du dĂ©sir Ă©rotique de Sir Ralph (qui demande lâamour aux fleurs), George Sand, dans son imaginaire scientifique, nous ramĂšne au systĂšme de reproduction des corolles, des pistils, du pollen ». Dans ce roman Indiana, « lâamour subvertit la botanique, comme une sorte de langage des fleurs et de la nature »
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Dans LĂ©lia, autre Ćuvre de jeunesse (1833, repris en 1839), la fleur joue un rĂŽle essentiel, la fleur est pour lâauteur comme sa langue maternelle. Dans une certaine grammaire florale, elle distingue les fleurs pures (lys, rose blanche) et les fleurs capiteuses et troublantes comme la fleur dâoranger, la rose jaune ou le lotus. Au cĆur de ce roman, il y a une association entre femme et fleur, une association qui fait de la femme une fleur et de la fleur une Ă©manation de la femme 3. Ce texte avait Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme scabreux et scandaleux car au travers du dĂ©sir inassouvi de lâhĂ©roĂŻne LĂ©lia, il traite de lâinsatisfaction fĂ©minine, dont le sens est en fait beaucoup plus vaste et va jusquâau doute meÌtaphysique. Ă lâinverse de la poĂ©tique traditionnelle oĂč lâassociation entre femme et fleur est un symbole de la vie ou dâun Ă©ros triomphant, George Sand, au travers de la fleur, met ici en Ćuvre un discours de dĂ©senchantement.
La fleur dâoranger, fleur « troublante » ou « capiteuse », dans LĂ©lia, 1833
Si, dans cet ouvrage, nous ne sommes donc pas vĂ©ritablement dans la botanique, il est clair que notre romanciĂšre nâaurait pas pu lâĂ©crire sans une excellente connaissance du monde vĂ©gĂ©tal et un amour de la botanique.
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Dans Mauprat (1837), les motifs floraux qui Ă©maillent le roman sont des signes rĂ©vĂ©lateurs de la psychologie des personnages. Ainsi, lâhĂ©roĂŻne, EdmĂ©e, entretient un lien fusionnel avec les fleurs en sâaccordant mĂȘme le surnom dâEdmea sylvestris âŠ
Les personnages, dĂšs leur premiĂšre apparition, sont identifiables de par le cadre vĂ©gĂ©tal dans lequel ils Ă©voluent. Et câest une image vĂ©gĂ©tale, lâarbre gĂ©nĂ©alogique, qui sert Ă reprĂ©senter la hiĂ©rarchie familiale, scindĂ©e en deux rameaux ennemis.
Dans ce roman, câest le choix du champ lexical de la botanique qui sert Ă retranscrire une Ă©volution psychologique et sociale.
Couverture du roman Mauprat
Finalement, Ă lâinstar de Rousseau, George Sand tient Ă confronter la botanique et lâĂ©ducation. La nature peut ĂȘtre un miroir de la culture. Et les fleurs peuvent se rĂ©vĂ©ler comme des clĂ©s : celles des Ăąmes, des cĆurs et du bonheur.
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Dans Un hiver Ă Majorque (1842), on est dans les annĂ©es dites Chopin. La santĂ© de FrĂ©dĂ©ric Chopin Ă©tant mauvaise, Georges Sand et ce dernier dĂ©cident de partir faire un voyage Ă Majorque l'hiver de 1838-1839. On sait que George Sand va ĂȘtre fascinĂ©e par le dĂ©cor et ne tarira pas dâĂ©loges sur la beautĂ© des lieux, qui vont dâailleurs la prĂ©disposer Ă Ă©crire le roman suivant, Spiridion. Mais, fatiguĂ©e et déçue dâĂȘtre devenue la garde-malade de Chopin, on sait aussi quâelle est affligĂ©e par l'attitude des Majorquins Ă leur Ă©gard, nous dĂ©crit sa dĂ©ception et sa rancĆur vis Ă vis de son sĂ©jour et de ce peuple.
Mais ce sĂ©jour Ă Majorque offre Ă George Sand un jardin sauvage magnifique dans une nature exubĂ©rante et folle. Elle y trouve toute la riche gamme de la MĂ©diterranĂ©e quâelle ne manque pas dâĂ©numĂ©rer : oliviers, amandiers, orangers, figuiers, caroubiers, ricins, palmiers, pins, lauriers, grenadiers, myrtes, nopals, cĂąpriers, cactus, asphodĂšles,âŠ
Myrte en fleurs
Mais, dans des passages qui mĂ©ritent de figurer dans une anthologie, elle ne manque pas de donner une signification plus profonde Ă certains vĂ©gĂ©taux, tel lâoranger qui Ă©voque pour elle le jardin des HespĂ©rides (les oranges Ă©voquent les pommes dâor) oĂč se cĂ©lĂ©bra le mariage des dieux.
Lâolivier Ă©voque en elle des rĂ©miniscences mythologiques et historiques, arbre sacrĂ© par AthĂ©na, symbole de la sagesse et de la fĂ©conditĂ© intellectuelle.
Mais, au passage, câest lâoccasion pour elle de critiquer lâorganisation agricole et commerciale des Majorquins qui, bien que possĂ©dant et sachant cultiver les oliviers les plus beaux du monde, nâarrivent Ă en produire quâune huile infecte.
George Sand (fusain de Thomas Couture, 1850)
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Dans ValvĂšdre (1862) - Dans ce roman, tous les personnages ont une relation marquĂ©e, soit dâattirance, soit de rejet pour les sciences naturelles. Ainsi, Henri Obernay, qui est lâami du narrateur Francis, « a pour passion dominante la botanique ». Sa sĆur aĂźnĂ©e, AdĂ©laĂŻde, est une « botaniste consommĂ©e ». Henri Obernay apprend la botanique Ă sa fiancĂ©e Paule : « ils Ă©taient emportĂ©s par une ardeur dâherborisation effrĂ©nĂ©e.
M. de ValvĂšdre est un savant naturaliste, tandis que Mme de ValvĂšdre nâa que dĂ©dain pour ce quâelle ne comprend pas. Ce qui vaut Ă Henri le commentaire suivant : « Il est permis aux fleurs de ne pas aimer les femmes, mais les femmes qui nâaiment pas les fleurs sont des monstres⊠»
C - La découverte de la flore méditerranéenne
avec Tamaris et Le voyage dit du Midi
Couverture de lâagenda-journal Le voyage dit du Midi
A lâorigine du sĂ©jour de George Sand dans notre quartier (de Tamaris NDLR), il faut rappeler que, le 27 octobre 1860, notre romanciĂšre fut terrassĂ©e par une affection typhoĂŻdique. AprĂšs 5 jours, elle « revient des portes de lâautre monde » et son mĂ©decin, Vergne, lui prescrit une longue convalescence dans le Midi de la France, une suggestion quâelle accepte avec enthousiasme, non pas pour connaĂźtre le Midi archĂ©ologique ou Ă©conomique, mais « pour dĂ©couvrir la flore de cette rĂ©gion » qui lui est inconnue, ne lâayant traversĂ©e que trop rapidement, une fois avec Musset lors de leur voyage en Italie et une fois au chevet de FrĂ©dĂ©ric Chopin. Elle repousse le projet de voyager en plein hiver, sa santĂ© Ă©tant encore bien faible, mais peut-ĂȘtre aussi Ă lâidĂ©e que lâhiver est la pire saison pour « botaniser » : il nây a pas de fleurs en hiver et « quâest-ce quâune plante sans fleurs ? ».
AccompagnĂ©e de son secrĂ©taire trĂšs intime, le graveur Alexandre Manceau, elle arrive donc Ă la gare de Toulon le 18 fĂ©vrier 1861, accueillie par son fils Maurice et son ami le poĂšte toulonnais Charles Poncy, pensant quâelle va rĂ©sider Ă HyĂšres. Ce nâest quâĂ Toulon quâelle apprend quâon lui a louĂ© une villa, pour un prix trĂšs modique, non pas Ă HyĂšres, mais dans un quartier isolĂ© de La Seyne, Ă Tamaris, villa appartenant Ă MaĂźtre Antoine Trucy, avouĂ© prĂšs le Tribunal Civil de Toulon. Ce sera la cĂ©lĂšbre « bastide Trucy » qui deviendra par la suite la « villa George Sand ».
Elle dĂ©couvre ce site ravissant le lendemain 19 fĂ©vrier 1861 en dĂ©but dâaprĂšs-midi. Et immĂ©diatement, câest la flore qui attire son attention. Pendant les cent jours que va durer son sĂ©jour, la botanique va occuper une place importante, pratiquement au quotidien. Cela nous le savons grĂące au prĂ©cieux agenda-journal manuscrit quâelle a tenu Ă Tamaris 1, Cet ouvrage contient de nombreuses pages dâanthologie et, sous une plume aussi prestigieuse, la flore de notre Midi mĂ©diterranĂ©en va prendre un relief tout particulier.
En effet, dĂšs le premier soir, 19 fĂ©vrier, elle Ă©crit : « La flore est toute nouvelle pour moi. Je mets sous presse un arum et un ophrys mouche inconnus. Les amandiers Ă©normes sont en pleines fleurs (âŠ). Dans le jardinet dâici, les cytises, lauriers tyms [sic], le thym, les arums, les inula, les orchys, les roses bengale sont en fleurs, les cistes en boutons ».
Arum arisarum, premiÚre plante récoltée par George Sand à son arrivée à Tamaris
Le lendemain, 20 fĂ©vrier, elle Ă©crit : « Jâai cueilli et mis en herbier une trentaine de plantes sauvages, romarin, thym, orchis, lavande, ciste rose, thlaspi, asperge sauvage, lentisque, globularia, graminĂ©es, toutes espĂšces mĂ©ridionales, pas un brin dâherbe comme chez nous (âŠ). Je nâai pas encore aperçu les tamarins [sic] ».
Des tamaris sur lâisthme des Sablettes
Et ainsi de suite les jours suivants. DâaprĂšs son journal, voici comment se dĂ©roule une journĂ©e normale Ă Tamaris : « Mistral obstinĂ© et qui redouble. Je me lĂšve avec mal Ă lâestomac. Quelle patraque je fais ! Je ne peux rien faire. La botanique ne va pas. Lâenvie de travailler est molle. Je corrige le chapitre 9 de ValvĂšdre. Nous montons au Fort NapolĂ©on pour ramasser quelques plantes. Coronilla juncea. Je range les anciennes. Je mange une soupe Ă 9 h et une tasse de cafĂ©. BĂ©sig avec Manceau. Maurice retape un dessin. Je fais des patiences. Ils vont se coucher. Je reste Ă ranger des plantes. Je retravaille un peu Ă lâHomme de campagne ».
George Sand, Ă lâĂ©poque oĂč elle sĂ©journa Ă Tamaris (photo de Nadar)
A partir de la mi-mars et encore davantage en avril et mai, lorsque sa santĂ© sâamĂ©liore un peu et que ses forces reviennent, elle va explorer la plupart des sites de notre rĂ©gion, Ă pied dans les environs (Mer-Vive 1, Les Sablettes, Cap Sepet,âŠ), puis avec son cocher Matheron (N.-D. de la Garde, Dardenne, le Revest, les Pommets, les Gorges dâOllioules, les GrĂšs de Sainte-Anne, le Coudon, le Gapeau, Montrieux, HyĂšres,âŠ).
ChĂąteau de Dardenne, oĂč George Sand se rendit en avril et mai 1861
De la botanique au quotidien
- 18 avril : Je ne sors quâautour de la maison pour ramasser quelques plantes. Je range les anciennes (âŠ). Un peu de rebotanique (âŠ).
- 20 avril : SolliĂšs-Pont - Gapeau : Paysage assommant de monotonie, toujours des oliviers malingres. (âŠ) le soir, je fais de la botanique et des patiences.
- 21 avril : Malade. Jâai fait de la botanique toute la journĂ©e et encore ce soir. Maurice mâa aidĂ©e Ă voir les microscopiques dĂ©tails de lâasperula bleue.
- 22 avril : Malade. Sur la colline, Manceau va chercher le limodore qui ne se hĂąte pas de fleurir (âŠ). Un peu de botanique, mais je ne peux pas mâoccuper sĂ©rieusement.
- 23 avril : Botanique toute la journée sans aucun résultat. Le soir, botanique sans succÚs. Impossible de déterminer les petites plantes sans des yeux de lynx.
- 24 avril : Cap Sepet et Sablettes : Plantes en quantitĂ© sur la plage et la montagne. Scordigera trĂšs grand, orobanches, psoralĂ©es en fleurs, enfin ! (âŠ) luzerne marine, etc. Je range les plantes.
- 25 avril : Je fais de la botanique (...). Le soir, je refais de la botanique (âŠ). Je dĂźne de bon appĂ©tit. Besig avec Manceau (âŠ). Je range des plantes, je mâen Ă©reinte !
- 26 avril : Bois de la Bonne-MĂšre et cap SiciĂ© : Les pins sont Ă©lancĂ©s, droits trĂšs grands. Avec les asphodĂšles, la mer se montre (âŠ). AspĂ©rule jaune ?
- 27 avril : Notre-Dame de la Garde : SilĂšne Gallica Ă fleurs blanches (âŠ), quelques aspĂ©rules jaunes, des asphodĂšles (âŠ). Pins tristes Ă faire peur.
- 28 avril : (âŠ) Je range des plantes. Jâanalyse le simethis planifolia.
- 29 avril : Jâai cueilli lâerythrae maritima ou chicorĂ©e Ă fleurs jaunes. (âŠ). Je mange comme un loup, je botanise et je vais me coucher.
- 2 mai : Je ne sors quâun instant avant dĂźner pour chercher quelques plantes. Jâai fait de la botanique toute la journĂ©e. (âŠ). Je rebotanise ce soir avec rage, mais je vais bien lentement et je suis bien bouchĂ©e, ou mes auteurs dĂ©crivent bien malâŠ
AsphodĂšle Porte-Cerise
Environ 150 espĂšces sont nommĂ©es dans lâagenda de George Sand, mais, ce qui est Ă noter câest que, si lâon marche aujourdâhui sur les traces de George Sand, Ă la mĂȘme saison, on retrouve Ă peu de choses prĂšs ce quâelle observĂ©, identifiĂ© et mis sous presse - bien que certaines espĂšces se soient rarĂ©fiĂ©es.
En voici quelques exemples : « De Mer-Vive vers le cap SiciĂ©, lavandes StĆchas et euphorbes ; Ă Notre-Dame de la Garde : SilĂšne Gallica ; Ă Dardenne, des myrtes, beaucoup de centhrantes, des ornithogales ombellĂ©s ; au cap Sepet, le Serapias cordigera, des psoralĂ©es en fleurs ; aux rochers de Sainte-Anne, « lâĆillet bleu de Roquefavour », dont elle sâapercevra quâil sâagit en fait de lâaphyllante de Montpellier⊠; dans la vallĂ©e du Gapeau : « trois lins ravissants ; le grand jaune (campanulatum), le blanc Ă cĆur rose et le bleu grandiflora ».
Lâ« Ćillet bleu de Roquefavour », en rĂ©alitĂ© « Aphyllante de Montpellier »
Quelques autres commentaires
Dans ses notes, on trouve toujours des commentaires méthodologiques, des descriptions imagées incluant ses réflexions du moment, un mélange de noms latins et de noms communs, des identifications quelquefois approximatives ou erronées.
Elle dĂ©couvre chez nous pour la premiĂšre fois des plantes exotiques clairement identifiĂ©es : Au Revest, le pittospore de Chine ; Au jardin botanique de lââhĂŽpital de Saint-Mandrier, « le seul quercus oeglops, chamaerops, dattiers (phoenix), sterculie platanifola, magnolias, poivriers⊠» et Ă HyĂšres, des palmiers, agaves, etc.
Le jardin botanique de lâhĂŽpital de Saint-Mandrier
Curieusement, elle ne cite pratiquement aucune plante des marais littoraux, pourtant si abondants dans le secteur de Tamaris - Le CroĂ»ton Ă lâĂ©poque oĂč elle est venue. Cela tient peut-ĂȘtre au caractĂšre peu spectaculaire, verdĂątre et minuscule, et Ă lâodeur souvent dĂ©sagrĂ©able des fleurs en question, dont lâidentification est difficile (famille des chĂ©nopodiacĂ©es). Cela ressort dâailleurs de son journal du 9 mai : « Quelle patraque je fais donc Ă prĂ©sent. [âŠ] Je ne veux rien que guĂ©rir ma pauvre estomaque et connaĂźtre un peu mieux les chĂ©nipodĂ©es⊠».
Et de nombreuses critiques âŠ
On sait que notre romanciĂšre nâa pas Ă©tĂ© tendre avec les mĆurs des Provençaux, lâhabitat (« les bastides horribles avec leur façades noires »), le centre-ville de Toulon, « sordide et puant », le mistral, « une poussiĂšre qui tue tout aussi loin que la vue peut saisir le dĂ©tail », « il faudrait la chute du Niagara pour abattre la poussiĂšre de Toulon ».
Ses critiques sont également nombreuses sur nos paysages arides et notre végétation qui lui font regretter ceux de son cher Berry.
Ainsi : « Les pins rabougris, les cistes et toutes les plantes dures de ces terrains brĂ»lants. On dira ce quâon voudra, jâaime mieux Gargilesse, et mĂȘme Crevant, avec ses eaux vraiment vivantes et ses bois de hĂȘtres magnifiques. On mâavait promis ici des forĂȘts de chĂątaigniers, que je nâai pas aperçues. Ils sont fort blagueurs ou se contentent de peu en fait de verdure, les Toulonnais ».
Ou encore : « La sĂšcheresse est effrayante. Je doute beaucoup quâil y ait de la vraie fraĂźcheur et de la vraie vĂ©gĂ©tation en Provence. Je crois que les gens du pays ne savent mĂȘme pas ce que câest ». « Les pins dâici sont tristes Ă faire peur ». Quant aux bords du Gapeau : « Il y a lĂ une zone de fraĂźcheur qui repose de la Provence sĂšche et poudreuse.
Mais ça nâenfonce pas les bords de lâIndre. Ăa nâapproche pas ceux de la Gargilesse ». « Nous y voyons avec plaisir des ormeaux, des peupliers, des aulnes, des chĂȘnes, ce que lâon appelle de vrais arbres, car tous ces arbres Ă feuilles persistantes ont lâair dâĂȘtre artificiels ». « Câest trĂšs joli les bords du Gapeau, mais les collines Ă terrasses, câest pauvre et triste. Tout cela ne vaut pas cher, et lâIndre est plus jolie aux Carclets ».
Champ dâoliviers en Provence
Quant aux oliviers ! « Ă Dardenne, ce qui domine, ce sont les oliviers rachitiques, ramassĂ©s et poudreux. Au Faron et au Coudon, paysage assommant de monotonie, toujours des oliviers malingres⊠à HyĂšres, on rentre dans les oliviers, si tant est quâon les ait quittĂ©s⊠Des oliviers rabougris quâont envahi des smilax enragĂ©s⊠à Montrieux, (âŠ) des assommants oliviers⊠Nây a-t-il pas assez dâoliviers en Provence ? Câest odieux, il y en a partout, dans les jardins, dans les chambres, dans les lits, il y en a presque autant que de puces⊠».
Quelques rĂ©flexions dâordre plus gĂ©nĂ©ral
Comme elle lâavait fait Ă propos de Majorque, George Sand Ă©met de sĂ©vĂšres critiques sur les procĂ©dĂ©s de lâagriculture provençale. Ainsi, Ă propos de la culture du blĂ© : « le blĂ© qui dans les meilleurs endroits pousse en Ă©pis si grĂȘles, en quoi serait-il prĂ©fĂ©rable aux tapis de fleurs sauvages et aux prairies naturelles ? On sâobstine ici aux cĂ©rĂ©ales, on ne sait pas les cultiver, on nâa pas dâengrais et elles ne nourrissent pas la population et ne paient pas les sueurs de lâhomme ». Elle commente les maladies quâelle a observĂ©es sur les vignes ou sur les cĂ©rĂ©ales et elle fait de nombreuses observations sur la gestion des terres, la gestion de lâeau et la nĂ©cessaire prĂ©servation de lâĂ©quilibre de la nature.
Le dernier jour de son sĂ©jour, de retour de la chartreuse de Montrieux, elle se lance dans une vive critique des mĂ©thodes utilisĂ©es par les communautĂ©s monastiques qui dĂ©truisent le milieu naturel dâorigine : (âŠ) « Mais quâimporte aux moines ? De tous tems les couvents ont arrangĂ© la nature pour les besoins de leur communautĂ©. (âŠ) Ils ont dĂ©truit les forĂȘts et ont amenĂ© la fiĂšvre avec les marĂ©cages. Ici, ils feront la mĂȘme chose sâils le peuvent. EspĂ©rons que la montagne se dĂ©fendra ! ».
Résumé et conclusions
Son enfance dans le Berry, ses goĂ»ts naturels, son admiration pour Jean-Jacques Rousseau, sa rencontre avec plusieurs spĂ©cialistes de la botanique font de George Sand un ĂȘtre passionnĂ© par la nature et particuliĂšrement par la vie vĂ©gĂ©tale : les fleurs, les herbes et les jardins. Toute sa vie, Ă Nohant comme au cours de ses voyages, elle herborise et acquiert de solides connaissances en botanique. Cette passion sâamplifie encore aprĂšs lâĂąge de 50 ans comme en tĂ©moignent ses notes, ses journaux-agendas et ses courriers, particuliĂšrement lors de son sĂ©jour Ă Tamaris au printemps 1861.
Elle ne prĂ©tendra cependant jamais ĂȘtre une vĂ©ritable scientifique : ses notes de botanique contiennent toujours des descriptions imagĂ©es, des commentaires personnels sur la beautĂ© des fleurs, et mĂȘme sur ses sentiments et Ă©tats dâĂąme. Ses relations avec la botanique sont donc caractĂ©risĂ©es par une ambivalence entre science pure et poĂ©sie.
Lâamour de la nature revĂȘt une grande importance dans ses relations sentimentales et la botanique se trouve alors souvent prĂ©sente dans ses romans, comme dĂ©cor ou comme base dâune subtile symbolique florale et, au delĂ , dâune certaine philosophie.
La botanique fournit ainsi Ă George Sand lâoccasion dâĂ©lever le dĂ©bat dans diffĂ©rents domaines et souvent Ă un trĂšs haut niveau, tant en matiĂšre de symbolique de la fleur, dâ« Ăąme de la fleur », de physiologie vĂ©gĂ©tale, des mystĂšres de la gĂ©nĂ©ration, de philosophie (spiritualisme, panthĂ©isme), ainsi que, sur des plans trĂšs concrets comme des conseils pour la gestion des terres, la prĂ©servation de lâĂ©quilibre de la nature, avec une vĂ©ritable profession de fois Ă©cologiste toujours dâactualitĂ©.
Tombe de George Sand dans le parc de Nohant
Notre romanciĂšre Amantine Aurore Lucile Dupin repose aujourdâhui sous cet if centenaire, lâun des arbres labellisĂ©s du parc de Nohant, dans ce jardin qui lâa tant de fois enchantĂ©e.