♖ La tour du Revest - Dénomination de la tour
On a longtemps appelé "tour sarrasine" la tour du Revest. Mais depuis quand ? Nul ne le sait. Est-ce récent ? On est en droit de le penser quand on se réfère à la carte postale qui la présente comme Tour de l'Horloge (cf page de couverture du présent bulletin) Le terme "sarrasin" apparaît au XIe siècle dans la Chanson de Roland. Ce terme est issu du bas latin sarraceni qui désigne un peuple d'Arabie. C'est un emprunt à l'arabe charqiyin, pluriel de charqi qui signifie "oriental" (charq désigne l'est opposé à l'ouest - gharb, d'où "maghreb").
En architecture on parle de sarrasine par ellipse de herse sarrasine. Ce terme apparaît dans
les textes au 16e siècle. Cette herse, composée de pieux ferrés, s'abaissait entre le pont-levis et
la porte d'un château-fort. L'entrée de certaines villes était protégée de la même façon.
Quelques-unes ont gardé l'appellation de portes sarrasines. Dans le Var, on connaît la porte
sarrasine de Fayence et celle de Lorgues.
Le parement à bossage n'est peut-être pas étranger à cette
appellation de "tour
sarrasine". Cette façon de traiter la pierre mise en parement a été très
employée à la fin des
Croisades. Les seigneurs croisés ont trouvé en Palestine, chez les
Sarrasins, des murs de ce type ; ils ont pu en ramener l'idée, à moins
que des tailleurs de pierre, adhérents des loges du
compagnonnage, ayant connu le Proche-Orient à cette époque, aient
reproduit ce qu'ils avaient
vu là-bas.
A partir du dernier quart du l3e" siècle, se diffuse rapidement cette technique. On a dit
que ces bosses servaient à faire ricocher les boulets de pierre atteignant le parement. Or il est des
bossages en des endroits que ne peuvent atteindre les boulets. Il semble plutôt que le bossage soit
d'ordre décoratif ; de plus, l'aspect défensif du mur en est renforcé. Dans "Citadelles d'Azur",
Bernard Cros, à propos des bossages de la Grosse Tour de Toulon (début l6e siècle) dit que
"tous ces signes architectoniques sont essentiellement symboliques ; ils tendent à affirmer la
puissance de l'ouvrage, que ses maîtres veulent à la fois redoutable et signe de pouvoir royal."
Il conviendrait donc désormais de remplacer l'appellation "tour sarrasine", source
d'erreurs d'interprétation, par la dénomination de "tour médiévale" puisque le type de
construction permet avec certitude de la situer dans le temps. Il est d'autres tours qui avaient la
même fonction de guet, qui sont bâties de la même façon et à la même époque et qui ne portent
pas l'épithète contestée.
J'ajouterai qu'on trouve en Bourgogne des cheminées dites sarrasines mais elles n'ont rien à voir avec les Sarrasins. Ce terme a été un temps dépréciatif ; il évoquait ce qui n'était pas conforme à l'usage, étrange. Mot pejoratif aussi : en provençal, une femme aux allures peu modeste est traitée de sarrasino.