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💬 Les Revestois racontent - La Saint-Christophe selon Charles Aude



 Source : Charles Aude dans AVR n°12. AVR n°3

Il y a plusieurs mois maintenant que le Comité des Fêtes de Saint-Christophe avait commencé son travail. On avait déjà vu, en juin, les fils Martin, Arnal, Moggia, Torrès, et tous leurs copains faire le tour de la commune pour les aubades. De préférence, ils se présentaient le soir chez les habitants, on entendait le fifre et le galoubet, le billet était prêt. Dans le village, on savait qui "allait faire danser", s'il y aurait le vendeur de frites et celui de chichis. On s'interrogeait beaucoup sur le concert du vendredi soir. Et puis tout se mettait en branle à l'approche du 3e week-end de juillet.

 

Il y avait bien eu la répétition de la Fête Nationale, mais là, ça devenait sérieux : 4 soirées à tenir, les grands comme les petits à satisfaire. Dès le début de la semaine, les employés municipaux s'activaient. A l'époque, ils se nommaient Mr Bègue, Christian Krisoski et Elie Laure. Ils redoublaient d'ardeur avec leurs " escoubes " de buis, grimpaient aux échelles pour installer les ampoules tricolores tandis que les jeunes du Comité agrémentaient les mâts plantés dans les jardinières de la Place Meiffret, de branches de palmier et de pin. Le garde-champêtre, Mr Rome, allait et venait en s'assurant que les barrières de fer seraient bien en place pour interdire la circulation. Plus la semaine avançait, plus l'on s'activait. Mr Barbier et Mr Laure, chacun de son côté, sortaient le comptoir de la fête, les tables et les chaises.

 

Le vendredi matin, les enfants couraient dans tous les sens, tant ils étaient excités par ces préparatifs. Les tables et les chaises étaient mises en place, bien souvent les serveurs savaient qui allaient les occuper car l'on s'installait par groupes familiaux ou amicaux, le soir, une fois côté Barbier, une fois côté Laure.

 

Le marchand de frites-chichis-pommes caramélisées mettait sa friteuse en route doucement et je me souviens avoir été envoyé en éclaireur par ma vieille tante Nini qui guettait les premiers bouillons de l'huile par sa fenêtre du Clos Etienne. Nous méritions bien cela, nous qui allions être dérangés par la musique "à tue-tête"!

 

Le samedi soir, c'était le vrai départ. La clique " L'étoile du Faron " faisait vibrer tout le village, précédée de ses majorettes puis, plus tard, de nos " Coralines Revestoises " vêtues de blanc et d'orange et dirigées par Josette Sola. Quelle émotion de voir sa petite sœur ou ses copines de jeux du champ de Mouttet rattraper la baguette avec tant d'agilité ! On avait le cœur gros à entendre ce fracas, éclairé par les flambeaux des enfants aux bras de leurs grands-mères et par les feux de Bengale que nos aînés du Comité disposaient sur le parcours. J'ai toujours été très ému par cette saine rivalité qui régnait ce soir-là entre les familles revestoises, c'était un peu une façon d'aligner aux yeux de tous le nombre de ses descendants et de montrer qu'on assurait ainsi l'avenir du village.

 

Cela dit, du temps que la " Marseillaise " retentissait pour ouvrir le bal, les derniers enfants arrivaient, parfois en pleurs parce que le flambeau avait brûlé... Il y a souvent eu de malins coups de vent, au Revest, ces soirs-là ! Musique forte, intermèdes de flonflons aux tangos, valses et pasos obligés, nous, les enfants, entre un Cacolac et un Fanta, nous admirions Louis Laure qui soufflait dans son saxo ou, tout simplement, nous jouions à cache-cache autour du monument aux victoires.

 

 

Pour moi, le matin du dimanche arrivait vite car j'étais un fidèle enfant de chœur de Monsieur le Curé Eude et cette messe de la Saint-Christophe n'était pas banale : à la sortie, Monsieur le Curé bénissait les voitures du village car " Saint-Christophe protège les voyageurs " et je revois bien ce jet d'eau salvateur sur les Dauphine, les Ariane, les Simca 1000 et autres R8.

 

Après quelques minutes qui lui laissaient le temps de se changer, Monsieur le Curé rejoignait le Maire, le Président et les membres du Comité des Fêtes et les nombreux villageois assemblés sur la Place Meiffret où étaient dressées les tables de l'apéritif d'honneur. Ah! Grenadine de mon enfance ! C'est à volonté que nous servaient les deux bars tandis que j'enrichissais mon vocabulaire de mots tels que " perroquets ", " tomates ", " momies ", " baby " et (prononcé dans un anglais qui m'impressionnait) " scotch ".

 

Mon grand-père me rappelait que son rôle de Président du Comité des Fêtes, avait consisté, lors d'un apéritif d'honneur dans les années 20, à prononcer ce long discours : " Je passe la parole à Monsieur Charlois, Conseiller Général, Maire de La Garde ".

 

Dans les années 60, il n'y avait déjà plus que le Maire qui parlait, conclu par la ʺ Marseillaise ʺ et chaudement applaudi. Tout cela mettait en gaîté et, après un rapide repas, les hommes se retrouvaient pour un des grands concours de boules de l'été. Ils étaient partout, Place Leclerc, derrière le Château ou près de chez Madame Aquin, on entendait crier et parler de " mène ", de " jeu " ("c'est le jeu" ou "c'est pas le jeu"), de " narri '' et de " beaux points ", certains faisaient " fanny ", d'autres espéraient se rattraper à la " consolante ".

 

Evidemment, il faisait chaud et parfois, le soir, agacés par quelques nervis du village, mais de préférence de l'extérieur, quelques Revestois, de tous âges, se plaisaient à distribuer quelques " taquets ". Les femmes et les enfants criaient un peu et ça occupait les conversations du lendemain chez Egé ou à la Coop.

 

Le lundi après-midi, c'était le grand moment pour les enfants. Il y avait les jeux traditionnels, certes, mais aussi le concours de chant ou de grimaces qui pouvait vous faire une solide réputation. Pour ma part, j'essayais d'exceller dans la réplique de Fernand Raynaud " T'as pas vu ma sœur ? " et je tirais une grande langue qui atteignait le micro gris de la sono municipale que je revois aujourd'hui aussi antique que celui dans lequel le Général de Gaulle a prononcé son appel du 18 juin !

 

Après l'effort venait la récompense matérialisée par la brioche au sucre offerte et jamais tant appréciée. C'était une "goutette" organisée et nous poursuivions là notre fraternité de toute l'année. Depuis le début du siècle, c'est sur cette période que nous possédons de solides témoignages oraux, la Saint-Christophe est ancrée dans la vie de notre commune. Les peintres et les poètes se sont inspirés de ses couleurs et de ses mots. Progressivement, cependant, les festivités ont évolué, à l'image, il faut le dire, d'une déliquescence de la vie communautaire.

 

Tous ceux qui aiment vivre avec leur époque doivent puiser dans leur énergie pour que la joie trouve toujours son chemin. De ce point de vue, la fête 1989, accompagnée d'une foire à la carte postale et d'un festival de la voyance, a montré que de multiples voies sont à explorer ".

 


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