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📖 Le Revest de P. Trofimoff - Les forges




Le Martinet à poudre et les Forges du Val d’Ardène

Dès 1631, les consuls de Toulon envisageaient la construction d'un martinet à poudre au Val d'Ardène.

En 1648, les consuls de Toulon réglaient à M. Puget les frais qu'il avait engagés pour la surveillance des travaux de construction de la poudrerie établie à Val d'Ardène.

Le 9 novembre 1654, la communauté de Toulon approuvait et ratifiait l'acte concernant « le Moulin à Poudre » que venait de construire à Saint-Antoine le sieur Cristol Revest, de Brignoles.

C'est par délibération du 7 novembre 1671 que la communauté de Toulon décidait la construction d'un martinet à poudre « au-dessous du château de Val d'Ardène » ; par une nouvelle délibération du 9 décembre, les consuls étaient autorisés à acheter à M. de Thomas, seigneur de Val d'Ardène, une parcelle de terrain nécessaire aux installations du martinet que la communauté se chargeait de faire construire.

Le contrat de ce « Moulin à Poudre » fut passé à Marseille, en présence de M. le consul Bonnegrace ; MM. de Chabert et Serry, conseillers, ainsi que M. Gavoty, trésorier, assistaient à l'enregistrement des actes.

La construction de ce nouvel ensemble rendait inutile l'exploitation de l'établissement similaire qui existait à Rodeilhac (il s'agit sans aucun doute du martinet construit en 1654).

Par délibération du 6 février 1673, la communauté fut autorisée à vendre l'ancienne exploitation.

Nous pouvons, sans difficulté, situer les diverses constructions du martinet à poudre de Val d'Ardène, au pied du château.

Celles-ci s'élevaient entre l'actuel garage du neuvième moulin et les terrasses qui servirent à l'exploitation des septième et huitième moulins.

La manipulation et le stockage des tonneaux de poudres et salpêtres présentaient  des  dangers.

Le « Moulin à Poudre » explosa en 1684, occasionnant de très gros dégâts aux bâtiments et moulins environnants. Le château ne fut pas épargné. Des experts de la Valette furent choisis pour apprécier et évaluer les dommages subis par les propriétés de la commune de Toulon. Une délibération du 2 janvier 1685 examina les notes de frais présentées par les experts. Ce n'est que le 26 juin 1690 que furent étudiées, décidées et ordonnées les réparations. Celles-ci étaient acceptées en même temps qu'une nouvelle orientation était donnée à l'atelier.

Il fabriquera désormais « de grosses ancres ». Le « martinet de fer » était né. La « forge » aussi. Cette parcelle figure au « Livre Terrier » (cadastre) de la commune de Revest, au chapitre « Bien de la communauté de Toulon »; pour les années 1700, 1728 et 1768, elle y est désignée comme « une terre partie clos de muraille, dit la poudrière au quartier du Peiron, confrontant du levant la terre de la dame Dardène, du Midy la Rivière, du ponant le sieur Saviade, estimée une livre huitante petites y compris le coin du paroir à drap. »

Les événements de 1707 apportent à cet atelier une activité complémentaire, le monnayage de la « Dardenne ». Toute la Provence véhiculera le sobriquet dont seront affublés les avares : « Pito Dardenno ».

Employé très souvent pour désigner le « martinet à poudre » le mot « moulin » a fait croire et écrire à certains auteurs que la Dardenne avait été frappée au Moulin (dixième moulin attenant au château). On a même parlé du château. La proximité de ceux-ci peut faire comprendre avec quelle facilité cette erreur a pu être commise.

La reconstruction des installations semble avoir traîné en longueur, et la décision prise en 1690 d'y fabriquer « de grosses ancres » ne semble pas avoir été effective avant 1721-1722. Une entrave supplémentaire à la bonne marche de rétablissement sursit : la peste. Toulon et l'arrière-pays eurent, on le sait, à souffrir durement de l'épidémie. La quarantaine imposée par les autorités avait conduit au Val d'Ardène le sieur Le Fébure, de Chassenay. Celui-ci arriva dans la journée du 8 avril 1721. Déjà atteint par le mal, il mourut le soir même.

Sur ordre de M. Hocquart, un inventaire des effets et biens de M. Le Fébure fut effectué par le sieur Renou, dont le frère qui se trouvait alors à Nevers était l'associé du disparu. Dans l'attente du retour de son frère (qui devait passer par Paris pour faire de nouvelles propositions pour l'exploitation de cette entreprise et sur celle de la fabrication des ancres qu'il assurait être en état de remplir à la satisfaction du Conseil), le sieur Renou fut chargé par M. Hocquart « du travail ordinaire des forges   ».

En 1724, « la Fabrique aux Ancres » est en pleine activité. Le directeur, M. Beauvais-Thomas, aide-major de la Marine, s'emploie avec beaucoup d'intelligence à développer l'affaire. Aussitôt, des procès surgissent, on sollicite l'intervention de Mgr le marquis de la Vrillère. On plaidera une année durant.

Cet atelier commence à travailler pour la Marine avec régularité vers 1746.

Ordonnée par un édit du 29 octobre 1709, la frappe de la « Dardenne » allait éviter les inquiétants désordres que le mauvais état des finances du pays n'aurait pas manqué de faire naître. Dès 1709, les troupes s'impatientaient du retard apporté au règlement des soldes. C'est donc faute de numéraire que le roi prescrit la frappe de ces « pièces de six deniers ou deux liards, dites d'Ardenne ou Dardenne, du nom du village auprès de Toulon, où il avait été établi un atelier auxiliaire affecté spécialement à la fabrication de ces pièces ».

Il fut souligné que ces pièces devaient être frappées très rapidement dans les ateliers d'Aix-en-Provence, Montpellier, La Rochelle, Bordeaux et Nantes. L'ensemble de l'émission devait représenter « deux millions de marcs de pièces de six deniers sans aucun mélange de fin, à la taille de 40 au marc, ou trois pièces par marc ».

Dans son édit, le roi constate que les frais de fabrication seront très élevés et que cette monnaie ne représentera pas ce qu'elle aura coûté. Sa Majesté sait la quantité de canons, boîtes, pierriers et autres pièces d'artillerie qui sont entreposés dans ses arsenaux. Elle ordonne que « deux millions cent mille marcs de métal » soient livrés par les magasins de ces établissements aux commis qu'elle nommera. Les annexes de Val d'Ardène et de Gond (près La Rochelle) devaient, dans leurs ateliers, préparer les flancs des pièces. En réalité, ces deux succursales frappent aussi  des monnaies.

À Aix-en-Provence, comme à Val d'Ardène, la fabrication dura de 1710 à avril 1712. Une presse à balancier fut envoyée d'Aix à Val d'Ar­dène, où le sieur Allain, directeur de l'atelier, se chargera de « fondre et refondre la matière des canons, de la passer en lames, de la couper en flancs, de la recuire ». L'atelier de Val d'Ardène semble avoir cessé toute activité au début d'avril 1712. Le 16, en effet, la presse à balancier fut ramenée à la Monnaie d'Aix.
 
Sur le droit de ces monnaies on lit : « Louis XIIII Roy de (une fusée) France et de Nav ». Six L. couronnés et adossés deux à deux, disposés en triangle et cantonnés de lis. Au milieu du triangle se trouve la marque de l'atelier d'Aix, l'abréviation de et coetera ; sur le revers, une croix fleurdelisée formée de quatre arcs entrelacés et la légende : « Six deniers de France (un cœur) » et le millésime de l'année de la frappe.

Le cœur est le différent de Marc Piellat du Picruet (ou du Piguet) qui fut directeur de la Monnaie d'Aix de 1692 à 1702 et de 1704 à 1736. La fusée est la marque d'esprit, Charles-Marie-Jacques Cabassou, nommé graveur particulier le 25 novembre 1703 en remplacement de son frère Joseph.

Val d'Ardène frappa environ  400.000 pièces.

Plus près de Rochefort, dont l'arsenal fournissait la matière première, La Rochelle fut préférée à Nantes et Bordeaux.

Le moulin de Gond qui n'en est pas très éloigné transformait la matière des canons avant de la couper en flancs. Cette annexe frappa plus de 600.000 de ces pièces. Sur les « Dardennes » fabriquées à La Rochelle, au droit, tout au début de la légende, après les mots : « Louis XIIII Roy de …» se trouve une mouchette d' hermine qui est la marque du graveur Jean Lizard ; au revers, avant le millésime de la frappe, se trouve une grenade enflammée « différent du directeur Jean Boitât qui, le 9 mars 1697, fut pourra de l'Office héréditaire et conseiller du Roi, directeur particulier et trésorier de la Monnaie de La Rochelle ».

Il est fait état des poinçons de « croix » et des poinçons de « pile » «  avec leur légende », servant à la frappe de ces pièces de six deniers, à compter de 1711 (Archives de l'Hérault, registre B. 464 et 465).

L'étude attentive de ces pièces d'un poids de 6,118 grammes fait apparaître de sensibles différences entre les monnayages d'Aix (Val d'Ardène). Montpellier et La  Rochelle (Gond).

Deux points situés dans les arcs enlacés de la croix fleurdelisée serviront à identifier les «  Dardennes » frappées et terminées dans l'atelier de l'arrière-pays toulonnais. On s'aperçut plus tard que ce détail figurait aussi sur les « Dardennes » rochellaises. Ces points étaient donc communs aux espèces frappées et définitivement achevées dans les ateliers qui se trouvaient près des annexes, primitivement destinées à préparer la matière et à couper les flancs.
 
Une particularité encore plus inattendue a retenu notre attention en lisant la très complète étude de M. Charles Roy : « La Rochelle, son atelier monétaire, 1215-1836. » (La Rochelle, imprimerie N. Texier, 1913.)

La très belle, très fine et très exacte reproduction de la « Dardenne » frappée à La Rochelle porte la marque de l'atelier d'Aix-en-Provence («et cœtera»). 

Sans aucun doute, historiens et numismates ont, là encore, des découvertes à faire.

Les poinçons de « croix » et les poinçons de « pile » des ateliers d'Aix et Montpellier varient eux aussi sensiblement. Dans la croix, où les deux points sont absents à Montpellier, dans la base des « L. », qui sont plus crochus ici que là. La position de la légende serait, elle aussi, légèrement différente.

Par arrêt du 9 septembre 1710, une émission supplémentaire de 400.000 livres fut ordonnée. Cette fois, c'est l'atelier de Perpignan qui devait procéder au monnayage. Cette frappe fut subitement arrêtée et n'eut aucune suite effective.

La « Dardenne » quoi qu'on ait pu dire et écrire (J. T. avril, Dictionnaire Provençal-Français, Apt, 1840), ne doit pas son nom à un homme, mais bien, comme on l'a vu plus haut, au fait qu'il existait au Val d'Ardène un Atelier important, un ensemble de machines parfaitement et immédiatement capables de fondre, refondre et traiter la matière des canons qui, coupés en flancs, frappée de poinçons, allait véhiculer ce nom de lieu.

Le 4 février 1771, l’allivrement de la forge ayant soulevé des  difficultés, la communauté de Toulon se soumet à la décision de M. Laugier dans le différend qui l'oppose à la communauté du Revest.

À dater de 1785, les forges de Val d'Ardène exécutent tous les travaux en fer pour les bâtiments de la Marine.

En 1788, sous la direction de MM. Ferrand et Aguillon, les recettes de l'atelier ne furent que de 10 livres ; 375 livres auraient été dépensées pour l’entretien et les réparations (livres trésoraires de Pierre Morin, Archives Communales de Toulon).

Mais les événements révolutionnaires apportent encore des perturbations dans la marche de l'établissement.

En janvier 1792, le combustible, charbon de  terre, manque.

De nouveaux différends surgissent entre les autorités et le sieur Joseph Aguillon. Celui-ci demande à conserver la jouissance des forges de Val d'Ardène, que possédait déjà son père, Pierre Aguillon. On échange des lettres, un avis favorable semble lui avoir été donné par le ministre de la Marine (An XIII). Par une lettre de M. Blavier, ingénieur en chef au Corps Royal des Mines, au conseiller d'État, directeur des Ponts et Chaussées. On apprend que, par acte notarié du 3 décembre 1819, le sieur Aguillon a vendu les forges à MM. Honnorat, Colombeau et Cie.

Le détail des installations et de la machinerie de cet établissement nous est fourni par « un projet d'affiches » qui date de 1820. «L'usine de Dardenne» comprend une affinerie, un grand martinet à deux foyers, un petit martinet à un seul feu, 16 petites forges à bras, 4 petites forges de chantiers également à bras. Ces machines, pour celles qui fonctionnent en dehors de toute main-d'œuvre, sont propulsées par un cours d'eau dérivé du canal communal de Toulon, « dit le Béal », mais le sieur Aguillon payait une redevance à la ville.

D’intéressantes précisions nous sont données sur le nombre d'ouvriers employés à la production, etc. Lorsque « l'usine » marchait normalement, elle employait trente ouvriers. En 1820, cinq ou six ouvriers seulement sont occupés. En pleine activité, « l'usine » pouvait fournir de 1.200 à 1.500 quintaux île fer, destinés en partie à la Marine Royale, en partie aux industries privées. À lui seul, le grand martinet pouvait fournir 200 quintaux d'ancres, d'essieux de charrettes, de plaques pour la papeterie.

Le combustible utilisé, principalement du charbon de bois, provenait surtout des forêts des environs de Toulon. La consommation annuelle était de « 12.000 à 15.000 quintaux ». Une certaine quantité de houille, « 4 à 5.000 hectolitres » était acheminée de Saint-Étienne, par le Rhône, et servait, elle aussi, à l'entretien des feux. Le grand martinet, à lui seul, consommait  800  hectolitres  de  houille  annuellement.
 
Au début du XIXe siècle, cet établissement est appelé : « Forges Impériales Maritimes  » (1807).

Une famille a participé activement à la marche de ces «Forges de l'État» (1304), il s'agit de la famille Vincent. Nous trouvons François Vincent, contremaître des « Forges », en l'an XIII ; François Vincent, entrepreneur des « Forges de Dardennes » (1806) ; Joseph Vincent, maître des « Forges Impériales » (1808) ; Joseph Vincent, directeur des « Forges de Dardenne » (1810).

Un personnel subalterne qualifié exécute les travaux : Aimé Vincent, Pierre Pibreau, Étienne Giono, Daguerreau, Étienne Beiaudy, Alexandre Jean, Vincent Barley sont forgerons ou forgerons-cloutiers ; Gabriel Vial est contremaître des « Forges en 1812 ; Vincent Barbaroux et Pierre Hubac sont cloutiers. 

Le nommé François Bouisson est sous-chef des « Forges Impériales Maritimes » en 1807.

Cet atelier semble avoir cessé toute activité vers le milieu du XIXe siècle. La création d’industries similaires dans les villes voisines, plus aptes à recevoir combustibles et matières premières, amenèrent les responsables de cette entreprise à renoncer à toute fabrication.

Des installations plus modernes et moins coûteuses permettaient aux grands centres spécialisés d'avoir les commandes.

Le développement des ateliers de l’État ne permettait plus aux particuliers d'espérer une activité rentable.

Il faut ajouter que la captation des eaux ajoutait aux difficultés. Le débit du canal de la ville ayant diminué, la force motrice ralentissait le rendement des engins.

Comme toutes les petites industries de l'arrière-pays toulonnais, la «Forge de Dardennes», pour des raisons majeures, avait cessé de vivre. 

Vers 1825, cet établissement fut transformé en papeterie.


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