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👥 Destins revestois - Destins de femmes : Fine Guigou et Marilyn Monroe




Source : Destins de femmes - Texte de Sylvie Combe - Marilyn après tout par un collectif d'auteurs aux Éditions des Cahiers de l'égaré -2012

 

Mexique, Della Monroe, Américaine accouche d’une petite fille, Gladys Pearl, en 1900. Le père travaille dans les chemins de fer et la famille vit chichement. Il décède d’une syphilis nerveuse à l’âge de 43 ans. Della reste persuadée que son mari a été emporté par la folie. C’est ce qu’elle raconte à ses deux enfants.

 

 

Collobrières, France, Région provençale, Marie Guigou, accouche en 1904 d’une fille qu’elle prénomme Joséphine Philomène. Abandonnée par son amant, fragilisée, la jeune mère n’arrive pas à faire face.

 

 

 

Une guerre approche, Une affiche, un peu agressive, l’Oncle Sam et une phrase « I want you for U.S. Army ». Engagement et débarquement des troupes américaines à Toulon en 1918.

120.000 soldats américains ne rejoindront jamais leur terre natale.

Della se remarie mais l’homme est alcoolique et bientôt elle le quitte, emmenant avec elle ses deux enfants. Elle se met bientôt en ménage avec un veuf dont elle emprunte le nom de famille. Mais Gladys apprécie peu cette situation et provoque souvent des disputes dont pâtit la relation de couple de sa mère.

 

 

Marie dans l’incapacité de subvenir aux besoins de ses enfants, place sa fille Joséphine dès l’âge de neuf ans à l’Assistante Publique à Draguignan. La gamine vit dans des familles d’accueil et travaille chez des agriculteurs et des cultivateurs. Elle va peu à l’école.

En 1920, Marie fait des démarches pour récupérer sa fille mais l’assistance publique refuse. Joséphine a 16 ans et part à Montpellier dans un établissement de redressement géré par des Sœurs…où elle pratique des travaux de broderie sur draps en rêvant au trousseau qu’elle prépare, fiançailles, mariage, maternités, ce dont rêve toute jeune fille. Mais bientôt elle a des problèmes importants de santé et part au sanatorium de Cuers pour tuberculose puis, sa santé se dégradant, elle rejoint finalement le Réal Martin. Dès qu’elle se sent mieux, elle retourne à Collobrières.

 

Della marie sa fille rapidement avec Jasper de dix ans son ainé. Gladys a 15 ans même si sa mère annonce officiellement ses 18 ans. Gladys accouche de son premier enfant à peine sept mois après son mariage…Mais la mort de son père, l’inconstance sentimentale de sa mère rend Gladys instable. Après sa seconde grossesse, vite lassée, elle confie ses enfants à des voisins pour courir bals et fêtes données sur les plages. Son mari la quitte puis lui retire ses enfants.

Elle travaille comme monteuse dans l’industrie cinématographique et partage une location avec une amie, Grace. Elles décident de s’approprier les mêmes droits sociaux et sexuels que les hommes.

Puis Gladys se remarie avec Edward et en 1926 nait une fille, Norma Jean. Mais à peine douze jours après la naissance de Norma, elle place celle-ci chez Ida, une amie proche de sa mère Della, espérant un jour pouvoir récupérer sa fille et avoir une vie normale.

Gladys travaille pendant les années suivantes comme coupeuse de film tant pour la Columbia que pour les studios RKO, faisant quelques dollars d’économies pour acheter une maison pour elle et sa fille. La plupart des samedis, Gladys attrape un trolley pour chercher la petite mais elle a également l'habitude de réserver les soirées à ses sorties. Cette routine fait que le lien mère/fille ne se fait pas réellement et Norma Jean commence à appeler « maman » sa mère adoptive, Ida. Mais Ida refuse cette appellation.

Finalement en 1934, Gladys économise assez d'argent pour acheter une maison.

À l'âge de 8 ans, Norma Jean va finalement vivre avec sa mère à Hollywood.

 

 

Devenue majeure, Joséphine travaille dur dans diverses exploitations agricoles, elle fait la bonne. Elle mène un troupeau de chèvres. Elle achète bientôt un cheval puis deux pour transporter le bois dans la forêt du Dom, près de Collobrières.

 

 

Mais en janvier 1935, tout se termine. Gladys en dépression nerveuse est emmenée à l'Asile d'État de Norwalk. Le diagnostic tombe : elle est atteinte de schizophrénie paranoïde.

Gladys s’enfonce peu à peu dans la folie et ne voit plus guère sa fille. Norma Jean est trimballée entre familles d’accueil et orphelinats pendant deux ans.

Une des familles d'accueil demande alors légalement à adopter Norma Jean, mais Gladys refuse d'abandonner sa garde, sans doute traumatisée par le départ de ses deux premiers enfants, emmenés par son ex-mari.

Puis son amie Grace, obtient la tutelle de la petite fille qui a alors une dizaine d’années. Mais le mari de Grace tente de violer la gamine et Grace préfère placer la jeune fille chez sa tante, Ana.

La guerre approche. Grace organise rapidement le mariage de Norma avec un voisin. Bientôt celui-ci est enrôlé et part en Europe. Gladys, elle, est toujours internée pour schizophrénie.

 

 

Dans les années 40 Joséphine possède une petite entreprise de coupes de bois et de transport forestier comportant neuf chevaux et leurs conducteurs... Avec son élevage de moutons, de volailles et de lapins qu’elle revend, elle vit seule et est complètement autonome.

La guerre est là. Joséphine travaille dur et n’a peur de rien. Elle a un caractère difficile et n’aime pas que l’on vienne la déranger. Elle adopte la même attitude avec les Allemands. Elle participe bientôt à la Résistance sur Collobrières en recueillant des jeunes résistants et en recevant des parachutages. Mais la Gestapo l’arrête en 44 l’interroge et la torture tout en lui confisquant son troupeau. Elle fait huit mois d’internement à Hyères et à Toulon, à la Coquette, et n’a la vie sauve que grâce au Débarquement du 15 aout 1944.

 

 

La première photo quasi professionnelle de la fille de Gladys est prise dans le cadre d'une campagne de l'armée américaine pour illustrer l'implication des femmes dans l'effort de guerre. En quelques mois, elle fait la couverture d'une trentaine de magazines de pin-up et commence à se faire connaître. Elle éclaircit la couleur de sa chevelure et abandonne son travail pour se consacrer à sa carrière de mannequin, notamment auprès de l'agence Blue Book. Gladys est toujours internée.

En décembre 1945, elle tourne son premier film test pour l'agence, afin de promouvoir des maillots de bain et divorce. Elle gagne mieux sa vie et prend un petit appartement pour elle et sa mère. Gladys va mieux et peut sortir de l’hôpital et reprendre une vie normale.

Mais après juste 7 mois, Norma Jean, entreprend une nouvelle carrière et Gladys se sent isolée et demande bientôt à retourner l’asile de Norwalk.

 

 

Au lendemain de la guerre, Joséphine s’installe à Cuers mais a vite des problèmes relationnels avec les fermiers locaux. Elle a un troupeau d’une centaine de bêtes.

 

 

En 1946, la fille de Gladys signe bientôt avec la Fox un premier contrat de six mois, payé 75 dollars la semaine. Elle convient alors avec le studio de changer son nom en Marilyn Monroe, le prénom Marilyn étant inspiré par l'actrice Marilyn Miller et le nom Monroe venant de sa mère. En 1948, elle signe un nouveau contrat avec la Columbia et, dès 1950, elle commence une réelle carrière et gagne maintenant un peu plus d’argent.

 

 

En 1950, une société du nom de « Formetal » possède une propriété, Tourris. Formetal s’est chargée, au lendemain de la guerre, de vider les bâtisses de leur contenu. Elles sont en effet remplies de munitions, de cuivre, de fer et de métaux. Ils cherchent alors un berger pour que les moutons désherbent afin d’éviter la propagation d’un éventuel incendie. Un appel d’offre est lancé. Joséphine expulsée de sa maison de Cuers, y répond et, moyennant le prix d’une location, prend possession des cent huit hectares. Elle s'installe avec son troupeau dans une dépendance du château de Tourris, au Revest-des-Eaux. Formetal propriétaire, lui accorde le droit de pâture sur tout le domaine. Elle y vit seule au milieu de ses bêtes. Elle travaille sans compter. Non sans se livrer, à quelques excentricités du fait de son mauvais caractère. Très bonne chasseresse elle vit complètement isolée, ne descendant pratiquement jamais au village et ne se séparant jamais de son fusil.

 

 

Dès 1952, Gladys ne va toujours pas mieux et Marylin affirme maintenant qu’elle est orpheline. Le fait que sa mère soit internée pouvant nuire à sa carrière montante mais pas seulement. En effet Gladys, malade, même avec beaucoup d’efforts, a maintenu sa fille dans une relation superficielle et peu sécurisante. Mais la vérité éclate au grand jour et Marylin, qui commence son ascension, explique alors que, si elle a menti sur sa situation familiale, c’est pour protéger sa mère et assurer leurs vies privées à toutes deux.

Peu de temps après l'annonce publique de son lien de parenté avec la star Marilyn, Gladys rechute et est transférée de Norwalk au Sanatorium de Rockhaven.

Marilyn fournit un fonds de placement afin de couvrir les frais pour les soins de sa mère à Rockhaven. Et la carrière de Marylin continue. Ses cachets sont plus élevés. Elle divorce à nouveau, se remarie en 1956 avec Arthur Miller. Mais elle fait plusieurs fausses couches. On dit sur les plateaux qu’elle est très difficile parce qu'elle est totalement imprévisible et qu’elle sait rarement son texte par cœur. Elle prend des somnifères mêlés à l’alcool.

 

 

En 1960 Joséphine possède une centaine de moutons et à peu près cinquante chèvres. Elle vit dans un isolement presque complet sur les terres de Tourris. La vie pour elle ne se conçoit qu'au milieu des bêtes, une vie solitaire et quasi sauvage. Elle a même pour compagnon, un sanglier qu’elle a apprivoisé. On l’appelle bientôt Fine la Bergère.

 

 

Dans les années 1960, la popularité de Marylin est à son comble. Mais dès 1959 débutent ses problèmes de santé. Elle commence à consulter un psychiatre de Los Angeles, le docteur Ralph Greenson qu'elle voit quasiment tous les jours.[]

Le tournage des Désaxés débute en juillet 1960. Souvent malade, Marilyn ne peut jouer. Elle est même hospitalisée pendant dix jours.[] Sans l'aide de son psychiatre, elle se remet à prendre des somnifères et de l'alcool.

 

 

Fine aime cette vie faite de labeur et de liberté, auprès de ses bêtes. Elle a la passion de l’espace même si, en contrepartie, sa vie au quotidien est difficile. Aucun luxe, juste une cuisinière à bois, quelques meubles et vêtements d’homme.

On dit qu’elle tue les chiens de chasse qui passent dans « sa » propriété. « À plusieurs reprises, elle a tiré sur nous » affirment même des chasseurs. Mais elle est seule, sur un plateau isolé de tout, avec une route en très mauvais état qui conduit au village du Revest. Souvent victime de gens sans scrupules, sa méfiance à l'égard des hommes s'accroit et se manifeste par une certaine agressivité.

 

 

Durant les mois suivants, Marylin devient de plus en plus dépendante à l'alcool et aux médicaments[]. Elle divorce d'avec Arthur Miller en janvier 1961[] et est volontairement internée dans la clinique psychiatrique Payne Whitney. Après trois semaines de soins, elle sort de l'hôpital, harcelée par une foule de reporters[]. Incapable de jouer, elle retourne en Californie se reposer.

 

 

Joséphine a tendance à boire. Elle menace souvent de mort ceux qui l'approchent de trop près.

Toujours vêtue d'un pantalon et d'une veste, les cheveux coupés courts coiffés d'un béret, elle ne se sépare jamais de son arme, un fusil de chasse à deux coups de calibre 12. On l’appelle quelquefois Fine La braille ou Débraille parce qu'elle est toujours habillée en homme et a un aspect miséreux.

Ainsi armée, elle mène paître son troupeau de moutons sur le plateau de Tourris ou sur les pentes du Coudon.

Mais dès qu'elle rencontre quelqu'un qu’elle ne connaît pas ou qu’elle n’aime pas, elle le fait partir en le menaçant de son arme.

 

En 1961, Gladys est toujours internée et Marilyn achète sa première maison par prêt immobilier. C'est Eunice Murray, sa nouvelle gouvernante et ancienne infirmière psychiatrique, qui lui a trouvé la maison du 12305, Fifth Helena Drive, à Brentwood dans les environs de Los Angeles. [Mais Marylin a des problèmes de santé de plus en plus importants et arrive souvent en retard sur les plateaux de tournage. Elle finit par se faire licencier par la Fox. Elle a, à cette époque, vraisemblablement une aventure avec John Fitzgerald Kennedy. Fin juillet 62 déprimée, elle confie à sa coiffeuse qu'elle vient de subir un avortement[]. Au moins deux médecins lui prescrivent alors de nombreuses ordonnances pour des somnifères.

 

Joséphine vieillit mais elle est toujours alerte. Petite, brune, sèche, béret, pantalons et bottes noires. Des rides partout sur le visage, une main blessée, souvenir de quand elle avait son entreprise de coupe de bois, elle a deux personnalités : sur la défensive, froide, prudente mais aussi chaleureuse avec ses amis, qui viennent la visiter sur le domaine. Des anciens résistants, des gens du village et des alentours qui l’apprécient. Elle se nourrit des proies de ses pièges, de la cueillette des champignons, de la vente de ses moutons, poules, pigeons, fromages de chèvre, des fruits du domaine. Mais elle n’est pas agricultrice.

 

 

Marylin gagne par film sept fois moins que la norme alors en vigueur à Hollywood…malgré son statut de star mondiale.

Le 5 août 1962, elle est retrouvée inanimée à son domicile de Los Angeles.

Elle a 36 ans. Le rapport du médecin légiste Thomas Noguchi parle de « suicide probable » dû à un surdosage accidentel de barbituriques[].

En raison d'un manque de preuves, les enquêteurs n'ont pas classé le dossier. Suicide ou homicide. Selon certaines rumeurs, Marilyn aurait été victime d'un complot ourdi par le F.B.I. et la C.I.A. dans le but d'accumuler des preuves contre les Kennedy.

Après la mort de Marilyn, Gladys perd de plus en plus la tête. En 1963, après des tentatives de suicide diverses, elle s’échappe même de Rockhaven.

On la retrouve le jour suivant, tout près de là, mais à partir de ce moment, elle est complètement privée de liberté.

 

 

Les proches de Fine disent qu’elle est délicate, généreuse et discrète.

Un jour, l’un d’eux raconte qu’elle lui a confié qu’on avait voulu l’emmener à Colombey pour les obsèques du général de Gaulle. Et c’est là qu’il apprend qu’elle a la Croix de Lorraine et a participé à la Résistance.

La gendarmerie passe sur ses excentricités mineures et le folklore mais en 1968 la société propriétaire du château embauche un jardinier, gardien et homme de confiance, M. Giacobazzi, lui-même en instance de divorce et qui n'a pas bon caractère non plus. Joséphine apprécie peu d’avoir tout à coup de la compagnie.

 

 

Au cours des années suivantes, Gladys a plusieurs permissions à Rockhaven et au cours d’une de ses sorties, elle rencontre un homme avec qui elle finit par se marier. L’histoire ne dure pas longtemps.

En 1967, Gladys sort finalement de Rockhaven avec l’aide de sa fille aînée, née de son premier mariage qui vit maintenant en Floride. Elle est toujours très fragile et en 1970, on la juge assez raisonnable pour vivre dans une maison de retraite non loin du domicile de sa fille.

 

 

Au début de l’année 72, Fine est l’objet de nombreux vols de moutons et de volailles. Elle accuse le gardien puis son sanglier apprivoisé disparait. Giacobazzi maintenant menace Fine ouvertement.

Le but de cette embauche par la Société Formetal est de chasser Fine qui discute les conditions de son droit de pâture. Elle possède alors deux cents bêtes.

Les disputes se succèdent pour les motifs les plus futiles.

Les conflits sont quotidiens et le gardien achète un jour une carabine de précision comparable à une arme de guerre.

Le 28 août 1972, deux coups de fusil retentissent. Le second tiré par "Fine la Braille" crible de plombs le gardien, qui meurt sur le coup. Fine dit que le gardien a tiré sur elle en premier et qu’elle n’a fait que sauver sa vie.

Elle est emmenée à la prison de St Roch et après neuf mois de préventive elle est présentée devant la cour d’assises de Draguignan. Tout au long de son procès, elle s’exprime dans un français parfait, ce que tous ignoraient jusqu’ici et ses réponses sont claires et précises. Beaucoup témoignent pour elle, on la dit d’un caractère frustre et irascible mais femme de cœur et d’honneur. Le substitut du procureur réclame huit à dix ans, Fine plaide la légitime défense mais ne demande aucunes circonstances atténuantes.

Après une longue délibération, la sentence tombe « Coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Les jurés lui ont accordé les circonstances atténuantes.

Et elle est finalement condamnée à un an de prison. Compte tenu de ses neuf mois d’emprisonnement et de sa bonne conduite, il lui reste cinq jours de détention à faire.

 

 

Gladys est maintenant libre. C’est la première fois depuis 1935. Elle ne commence à recevoir l’argent de la succession de Marilyn qu’en 1976 mais ne veut plus jamais entendre parler d’elle.

 

 

Fine sort de prison le 13 juin 74.

Toute sa vie, elle s’est battue, repartant du même pied, après chaque coup dur. Elle rejoint ses bêtes sur le plateau de Tourris.

Et les années passent. De temps à autre, Fine défraye encore la chronique. Elle se déclare persécutée par de mystérieux individus qui en veulent à « son » domaine. Des incendies s’allument, dévastant une partie de « ses terres ». On lui tue des animaux. On empoisonne son chien.

C'est alors une femme qui ne possède plus toute sa tête et que les années et l’alcool ont rendue farouche.

Joséphine Guigou, la bergère de Tourris meurt, de façon brutale et tragique, sur le chemin

des Terres Rouges, le 4 octobre 1980. Elle est sur sa vieille mobylette, grille un stop et

se fait happer par une fourgonnette. Elle a 76 ans.

 

 

Gladys reste dans la maison de retraire en Floride jusqu’au 11 mars 1984 où elle décède à l’âge de 84 ans.

 

 

Sylvie Combe

 

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