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♖ Tourris - Provence mienne




En arrivant sur le plateau, ce qui frappe d'abord, c'est le drapeau tricolore qui flotte au-dessus d'un grand portail avec une loge de surveillance, au bord de la route. Ça, c'est la pyrotechnie. Inutile d'insister. Ça ressemble à toutes les propriétés de la Défense nationale. Pas besoin d'aller si loin pour le spectacle.
Mais si vous obliquez sur la gauche, en revanche, vous vous retrouvez dans une petite agglomération absolument déserte, avec de grandes bâtisses à demi éboulées, ou dont les quatre murs ouvrent des yeux sans fenêtres sur des intérieurs délabrés. Elles sont décoiffées de leurs tuiles, livrées définitivement aux vents, à la pluie et aux fantômes du passé.


Car le passé fut extraordinaire. Bien longtemps avant que Toulon ne soit Toulon, alors que La Garde et Hyères étaient encore des marais, des hommes vivaient là. Et les archives rappellent qu'il y a moins de quatre siècles, il y avait encore une propriété de 1 285 hectares, 5 000 muriers, une magnanerie importante, et des oliviers en telle quantité qu'on pouvait en tirer 42 000 litres d'huile ... qui furent livrés, telle année, à Tarascon, Avignon et Châteauneuf-du-Pape. Le voyage dura vingt et un jours ! Plus tard, il y eut une verrerie, dont les vestiges demeurent.


Mais depuis 1920, plus rien. C'est le hameau abandonné.


Il y a des véhicules qui achèvent d'être mangés par la rouille. Voitures sans roues ou charrues aux socs émoussés. Petits tracteurs aux chenilles répandues ou simples brouettes ayant perdu une jambe ou un bras dans on ne sait quelle guerre.


Et puis l'auberge. Plus vieille, plus délabrée, plus rouillée à elle seule que tous les vestiges de la civilisation charretière ou mécanique qui l'entourent. Ça s'appelait "Auberge Saint-Jean". Parce que le patron se prénommait Jean, probablement.


C'est le genre d'établissement qu'on s'attendrait à trouver dans un bidonville. Et pourtant, en ce lieu, cette vétusté ne surprend pas. Elle s'harmonise presque avec le cadre. Ce qui m'avait surpris, c'était plutôt qu'on continuât à y vivre.


Il y avait de la menthe et de l'aloès qui croissaient devant la terrasse vitrée recouverte de tôle ondulée. Un pêcher s’enorgueillissait d'une douzaine de fruits qui ne parvenaient pas à mûrir.

 

In Provence mienne, par Gabriel Domenech, Paris, 1978, Éd.Albin-Michel


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