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♖ Tourris - Le Tourris de Laurent Germain




Malgré toutes nos recherches dans les archives de la commune et dans celles des localités voisines, nous n'avons trouvé aucune indication qui nous permette de donner une date même approximative à la fondation de La Valette. Le fait que la plupart des vieux bourgs provençaux sont bâtis sur des collines élevées, comme Six-Fours, Évenos, Solliès et autres, nous inspira la pensée de rechercher les origines de notre ville sur les hauteurs environnantes.

 

Nous nous fîmes conduire à Tourris, sur un sommet éloigné, appelé Vieille Valette, situé au nord de l'agglomération actuelle, entre le versant nord de Faron et le flanc sud-ouest de Coudon. Nous trouvâmes là les vestiges d'une ancienne tour, qui nous a parue être à la fois un poste d'observation et un lieu de refuge de nos aïeux les Gaulois. (On y a trouvé des débris d'ustensiles de ménage et d'instruments de culture tout à fait primitifs.) De vastes forêts de chênes kermès couvraient alors la plaine immense qui s'étend aux pieds de ce pic et abritaient les fauves qui, dans ces temps reculés, infestaient encore les régions boisées et inhabitées de la Gaule.

 

Après la conquête de Jules César, cette tour devint sans doute un poste romain et le lieu prit le nom de Turris (tour) qu'il a conservé depuis (Turris est devenu Tor, Thor, Torris, Torriès, Thorris et Tourris).

 

Les conquérants durent occuper longtemps ce poste si bien placé, car on y trouve de nombreux débris de poterie romaine et même phénicienne.

 

Plus tard, on construisit sans ordre, aux pieds de la tour, des maisons dont les vestiges existent encore ; ce fut l'origine du bourg. On entoura ces habitations de remparts solides, dont on aperçoit des pans encore debout. On voit aussi les ruines de deux portes relativement monumentales. En fouillant l'épaisseur de ces remparts, nous avons trouvé, dans le ciment qui lie les moellons taillés, des débris de vases, de poteries, de briques romaines qui avaient dû être utilisés par les habitants primitifs de la tour.

 

Le bourg s'agrandit hors des remparts devenus bientôt trop étroits et l'on bâtit, sous le vocable de Sancti Johannis de Turris, la chapelle dont la forme souterraine rappelle les églises des premiers siècles de l'ère chrétienne. Vers la fin du XVIe siècle, le seigneur de Tourris fit construire, à mi-côte du mamelon au sommet duquel est le vieux bourg abandonné depuis la fin du XIVe siècle, un lourd et disgracieux château qui existe encore de nos jours et qui appartient à Madame veuve de Gasquet. C'est dans ce château que, sous la Terreur, quelques familles allaient, de Toulon et des environs, assister, la nuit, dans la chapelle, aux offices religieux dits par un prêtre non assermenté qui s'y était réfugié.

Il est évident que nous étions là sur l'emplacement déjà abandonné de la vieille communauté de Tourris ; mais pourquoi la tradition place-t-elle dans ces ruines l'ancienne Valette ?

 

Des sommets de l'antique Turris, la vue s'étend au loin jusqu'à la mer au-dessus d'une vaste plaine ; à nos pieds, prend naissance une vallée onduleuse toute verdoyante de chênes, de pins et d'oliviers, c'est la Vallis læta, bien dénommée par nos pères. Au nord de Tourris, on trouve une autre vallée se dirigeant vers Solliès-Toucas, c'est-à-dire vers l'est et qui dut à son orientation heureuse vers le soleil levant le nom de Vallauris (Vallis aurea).

 

Ce sont les Romains qui ont donné à notre plaine le nom de Vallis læta, car ils y établirent des villas dont les vestiges subsistent encore en maints endroits, non loin de l'agglomération actuelle. Quelques propriétaires, en défonçant leurs terres, ont trouvé d'ailleurs des poteries nombreuses, des débris d'amphores, des briques, de petites urnes lacrymatoires et des pièces d'argent et de bronze à l'effigie des premiers empereurs romains.

 

Une agglomération de maisons, formant pagus, dut exister à cette époque dans la vallée, mais il est fort probable que du VIIIe au Xe siècles, lors des nombreuses invasions auxquelles le littoral méditerranéen fut en butte de la part des Sarrasins, les habitants de ce bourg se réfugiaient dans l'enceinte fortifiée de Tourris et redescendaient après le départ des pirates. Voilà peut-être ce qui a pu faire croire à l'existence d'une vieille Valette ailleurs que dans la plaine.

La Valette a donc été fondée par une colonie romaine dans la Vallis læta qui lui donna son nom, pendant que Tourris, de fondation gauloise, existait déjà sur les hauteurs. La légende de la vieille Valette à Tourris a définitivement vécu, nous l'espérons du moins.

Quoique formant une communauté distincte, Tourris dépendait de La Valette. Le cartulaire du bailliage de Saint-Maximin de l'an 1246 le démontre clairement (1). Tourris et La Valette, ou, comme on les appelait alors, Sancti Johannis de Turris et Sancti Johannis de Vallé appartenaient au domaine des seigneurs comtes de Provence, rois de Jérusalem et de Sicile. En dehors de tous seigneurs, comtes ou barons, Tourris eut longtemps ses syndics ; mais, en 1639, à la suite d'une assemblée de tous les possédants-biens sur ce territoire, tenue à la Mairie de La Valette, par devant M. de Saqui, lieutenant de la sénéchaussée d'Hyères, les consuls de La Valette furent nommés syndics de Tourris, dont les habitants manifestèrent ainsi, une fois de plus, leur intention de rester liés à La Valette. Cette décision avait été prise à la suite d'une sommation faite par les consuls du Revest à ceux de La Valette, d'avoir à accepter l'union et l'encadastrement du territoire de Tourris au Revest. Depuis 1287, Tourris était affouagé pour un quart de feu et compris dans l'affouagement de La Valette. En 1627, sa quote-part fut fixée à 11 sous et 3 liards, à raison de 2 livres 5 sous par feu.

 

Sibille, dernière dame de Toulon, fille de Gaufridet, seigneur de Tretz, veuve de Gilbert de Baux et de Boniface de Castellane, légua à Charles Ier, comte de Provence, de Forcalquier et d'Anjou, tous les droits qu'elle avait sur la ville de Toulon. Ce testament fut reçu par Me Thomas, notaire, le 14 août 1261. A la fin de la même année, le comte de Provence fit de Toulon un chef-lieu de bailliage et comprit dans son ressort, les bourgs de La Valette, de Tourris, de La Garde et du Revest (Sciendum autem quod in dicta bajulia sunt castra).

 

En 1262, à la troisième calende de décembre, le bourg de Vallé, ainsi que Cuers et La Garde et les seigneuries de Solliès et du Revest furent échangés ou cédés par Charles Ier et sa femme, la comtesse Béatrix; cet échange fut fait avec les nobles Isnard d'Entrevènes et Reforciat, fils de Raymond Geoffroi, de la famille comtale de Toulon.

Jusqu'en 1262, La Valette n'appartint donc à aucun seigneur particulier si ce n'est au prieur de son église ou de son monastère.

Le nom de Saint-Jean a disparu, il ne reste plus que le mot de Vallé : bourg de Vallé. En 1287, les mots Val et Valette sont cités, comme noms propres de notre commune, dans la transaction passée entre la communauté et noble Foulque de Bras, prieur de son monastère et noble Reforciat, seigneur de Tourris et les syndics de la communauté de ce lieu, au sujet des privilèges d'affouage et de pâturage sur les terres gastes de Tourris, que ceux-ci contestaient aux habitants de La Valette et aux gens du prieur du lieu.

 

Cette transaction donna entière et complète satisfaction aux habitants de La Valette ; elle leur reconnut le droit de faire du bois pour leur usage personnel et pour l'usage de la communauté ; les autorisa à faire paitre leurs troupeaux; leur permit d'habiter le lieu et d'y construire des maisons sans payer les droits habituels au seigneur.

 

Cette sentence arbitrale fut ratifiée solennellement le 1er décembre 1505 par noble Gaspard, de Marseille, comte de Vintimille, coseigneur d'Ollioules, du Revest, de Tourris et de la Bastide de la Valdardennes, qui confirma tous les privilèges reconnus par la transaction de 1287. Cet acte de ratification fut passé au Revest, dans la maison de noble François Iman, baille de M. de Vintimille, et reçu par Me Hugues de Portalis, notaire à Toulon.

 

Les nobles Isnard et Reforciat ne conservèrent pas longtemps la seigneurie de La Valette, puisque vingt-cinq ans après l'acte d'échange passé à Aix, nous trouvons encore un prieur à la tête de la communauté (3). Ce prieur quittera bientôt le titre de chef du monastère et de la communauté pour prendre celui de seigneur temporel du lieu avec la moyenne et basse justice, et nous gouvernera longtemps tantôt seul, tantôt avec les seigneurs de La Garde.

 

Source : Histoire de La Valette, publié en 1891 par Laurent Germain




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